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même. C’est un art d’une grande fermeté, vraiment lapidaire et monumental. Les matériaux employés par les artistes et tirés des carrières voisines, réclamaient ce mode d’interprétation : ce sont des calcaires extrêmement durs et qui présentent souvent de petits trous. On les enduisait de stuc teinté qui revotait les formes d’un épiderme polychrome. Les couleurs dont on se servait étaient au nombre de quatre : le rouge, le jaune, le vert, et le bleu turquoise. Les pierres elles-mêmes étaient d’un ton assez soutenu : généralement, elles étaient jaunes ; celles du palais, plus fines que les autres, sont d’un rose pourpré.

A l’aide de ce qui précède et après les détails que nous avons donnés, nous pouvons faire la part des découvertes dont l’honneur revient à M. Bertone. Pour cela, nous n’avons qu’à considérer d’abord le plan de Palmyre tel que Wood l’a dressé en 1751 et aussi celui de Cassas daté de 1798. Il était naturel que notre jeune explorateur accomplit, pendant un long séjour, ce que ses devanciers n’avaient pas fait au passage ; et je crois qu’il n’a rien négligé. Armé d’instrumens très sûrs, il a relevé en ingénieur autant qu’en architecte la surface de la ville et ce qui s’y trouve encore debout. Aussi, le premier, a-t-il délimité, au milieu des débris qui encombraient la place, l’édifice que nous avons appelé le sénat, puis le théâtre méconnu par Wood et le palais de Zénobie. Le premier aussi, il a distingué les thermes, le musée, les villas du dehors et signalé, près de la porte de Damas, un autre grand bâtiment dont je n’ai rien dit de peur de fatiguer le lecteur et qui était une caserne ou un caravansérail.

A cela ne se borne pas l’œuvre de M. Bertone : il a dessiné, avec le même soin qu’il apportait aux monumens, les constructions privées. Il les a étudiées rue par rue et maison par maison. On connaissait déjà plusieurs tombeaux. Mais le premier encore, notre architecte, après les avoir tous mesurés, se trouve à même de nous présenter dans sa totalité la nécropole de Palmyre si riche en admirables exemples. En somme, il a déterminé le caractère de l’architecture palmyrénienne et il en a noté la polychromie ; et si l’on pense qu’il est important de bien connaître cet art, M. Bertone en fournit le moyen avec ses dessins et ses aquarelles et surtout avec les nombreux moulages qu’il a rapportés. Cependant ce n’est pas tout et je suis persuadé que la science épigraphique lui sera redevable, car il a estampé et copié beaucoup d’inscriptions dont plusieurs sont probablement