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trop lent pour lui permettre de reprendre ses fonctions, et, afin que personne ne s’y trompât, l’empereur appelait de Rome M. de Bulow, son ambassadeur auprès du roi d’Italie, et lui confiait l’intérim de l’office des affaires étrangères. Quelle part faut-il attribuer, dans la disgrâce de M. Marschall, à l’incident que nous venons de rappeler, et quelle part à la politique générale, il serait bien difficile de le dire avec précision : rien ne prouve que la seconde soit la plus considérable. M. Bernard de Bulow a été, pendant plusieurs années, secrétaire d’ambassade à Paris, et il y a laissé les meilleures impressions. C’est un homme dans la force de l’âge, auquel on s’accorde à attribuer beaucoup de mérite, et qui est cloué d’une grande distinction personnelle. Puisque M. le baron Marschall devait quitter le ministère des affaires étrangères, le choix de M. de Bulow doit être bien accueilli. Rien n’autorise à croire qu’avec lui la politique extérieure de l’empire sera nécessairement modifiée.

Mais il n’en est pas de même de la politique intérieure : si elle ne doit pas être changée, elle sera certainement accentuée dans un sens beaucoup plus énergique, et déjà le parti bismarckien relève la tête et montre une satisfaction qu’il affecte d’ailleurs de laisser déborder. Il est vrai qu’après avoir décidé de conserver, au moins provisoirement, le prince de Hohenlohe à la tête de la chancellerie impériale, et après avoir chargé M. de Bulow de l’intérim des affaires étrangères, l’empereur Guillaume les a envoyés l’un et l’autre faire une longue visite au prince de Bismarck. Cette démarche a évidemment son importance : toutefois l’empereur en a déjà fait plus d’une, il en a même fait de personnelles auprès du vieux chancelier, sans que la politique générale s’en soit depuis visiblement ressentie. Nous avouerons, si l’on veut, qu’aller lui-même voir M. de Bismarck n’est pas tout à fait la même chose que de lui envoyer ses ministres, et qu’il peut y avoir dans ce second fait une intention de déférence encore mieux caractérisée que dans le premier. Ce n’est pourtant pas là que nous recherchons et que nous trouvons le symptôme le plus significatif de la situation. Il y a quelques semaines, le gouvernement a déposé un projet de loi sur le droit de réunion et d’association dont l’histoire est particulièrement instructive. C’est l’année dernière que ce projet avait été promis au Reichstag impérial, à la suite d’un procès qui avait mis en relief la nécessité de remanier la législation existante. Il s’agissait alors d’autoriser l’affiliation des associations locales et l’institution de comités représentatifs : c’était une loi libérale qui avait été annoncée et que le Reichstag attendait. Le Reichstag attend toujours ; il n’a encore rien