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plutôt de me défendre tout à fait que de me défendre imparfaitement. Jaime mieux n’être pas du tout défendu que de n’avoir qu’un simulacre de défense. Je suis accusé contre la foi des traités et on ne veut pas que je les invoque ! Je fais comme Moreau, j’en appelle à l’Europe et à la postérité ! »

Pierre Berryer fut plus heureux avec d’autres cliens. Le conseil de guerre ayant condamné à mort le général Debelle, il sollicite une audience du duc d’Angoulême qui avait eu gravement à se plaindre de ce général : « Je vous le promets, dit noblement le prince ; il aura son pardon, car il n’a pas combattu contre la France, mais contre moi. » Et Louis XVIII ratifia aussitôt la parole de son neveu. Peu après Berryer plaide pour le général Cambronne, obtient son acquittement, et n’accepte, comme gage de gratitude, qu’un portrait du général avec sa promesse de ne jamais rien faire contre les intérêts du roi. De son désintéressement, de sa délicatesse, il donna, à chaque époque de sa vie, de nombreux témoignages.

Puis il prêtait son concours au général Canuel, impliqué dans la conspiration ultra-royaliste dite du bord de l’eau, qui, paraît-il, avait pour objet d’enlever les ministres, de forcer Louis XVIII à changer de politique ou à abdiquer ; au général Donnadieu, incriminé d’avoir exagéré l’importance d’une insurrection à Grenoble pour se faire un titre de la répression. Chaque plaidoyer augmente sa réputation, étend le cercle de ses cliens : procès d’intérêt privé, procès politiques, religieux, militaires vont à lui comme les fleuves vont à la mer. Toute injustice rencontre en Berryer un adversaire, tout droit un champion, tout repentir, toute présomption d’innocence un intercesseur. Dès 1824. plusieurs journaux le désignent comme garde des sceaux du prochain ministère : les hommes d’Etat de la royauté lui témoignent de l’amitié ; Villèle le consulte souvent, et. dans plusieurs notes, Berryer lui conseille d’agrandir les cadres de la droite au lieu de les rétrécir sans cesse, de fortifier son autorité en désarmant la critique et l’intrigue, en s’entourant d’hommes considérables, en offrant par exemple l’ambassade de Rome à Chateaubriand, des portefeuilles à MM. de Polignac, de Vitrolles. Chateaubriand ! Berryer l’avait suivi au Conservateur j décidé, lui aussi, à ne pas séparer de la défense de la Charte la défense de la royauté. Il assistait parfois à son travail de journaliste, le contemplait écrivant en quelque sorte « sous la dictée de l’harmonie, mettant dans son geste et sa voix, quand il