Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 142.djvu/615

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

honte de recevoir vos sollicitations. Vous ne voudrez pas que je vous rappelle cela en pleine audience ; je le ferai et je vous en préviens d’avance. Non, vous ne viendrez pas ! » Et, fixant le magistrat tout interdit, « tout pantelant », il ajoute : « Envoyez un avocat général ; mais vous, ne venez pas ! » Et le procureur général obéit.

Lorsque Berryer entra, le 16 octobre 1832. dans la salle de La cour d’assises, où se pressaient le préfet, le général, toutes les autorités de Blois, l’assistance entière se leva. Plusieurs avocats en robe s’étant assis au banc des accusés, et le président les ayant invités à le quitter, l’un d’eux répondit : « Le banc des accusés est si honoré aujourd’hui que nous avions cru nous honorer nous-mêmes en y prenant place. » L’interrogatoire fit tomber une à une toutes les charges ; le principal témoin fut convaincu de mensonge, on avait commis un faux pour pouvoir poursuivre Berryer ; président, jurés, public, tous avaient les larmes aux yeux lorsque l’avocat général se leva pour déclarer que son honneur, sa conscience ne lui permettaient pas de soutenir l’accusation. De longs applaudissemens ayant salué ce mot : « Pas d’applaudissemens, reprit le magistrat ; qui fait son devoir n’en demande pas. » Les défenseurs de Berryer renoncèrent à la parole, le président ne fit point de résumé, le jury aurait voulu trouver un moyen de mettre en relief l’innocence de l’accusé autrement que par la réponse : non, aux questions posées. La cour ordonna sa mise en liberté immédiate, toute la ville lui fit escorte, et de tous les points de la France affluèrent les adresses, les remerciemens de son parti ; plus hautement que jamais il avait en cette circonstance affirmé ses sentimens pour la royauté.

A peine a-t-il appris l’arrestation de la duchesse de Berry ; il se met à ses ordres, lui conseille de ne pas accepter de défenseurs, car elle ne doit, estime-t-il, reconnaître à personne le droit de la juger. Puis il prend la parole sur les pétitions adressées à la Chambre à ce propos, et, agrandissant selon son habitude le débat, met sur la sellette le gouvernement de Juillet, conclut qu’on doit laisser aux ministres la responsabilité tout entière de leurs résolutions, comme la commission d’ailleurs et ceux-ci le réclamaient. Quelque temps après cette discussion, Thiers, ministre de l’intérieur, témoigna à Berryer son désir de conférer avec lui en secret. On conduisit le député royaliste, avec mille précautions, dans la chambre à coucher du ministre ; la table