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Mais, outre que cet enseignement des chapitres ou des maisons nobles était très insuffisant, il avait un caractère partial et particulariste ; les élèves y étaient imbus de l’esprit de clan ou de l’esprit de clocher, ce qui est tout un. On leur y apprenait à se glorifier de leurs quartiers de noblesse ou à maintenir les privilèges de telle ou telle église ou abbaye. Nulle idée générale et généreuse ; l’orgueil et les préjugés des étudians n’étaient égalés que par l’ignorance des maîtres. Ce fut de la source même du mal que sortit le remède ; il se rencontra des abbés, des évêques comme Wardlaw à Saint-André, Elphinstone à Aberdeen, qui comprirent qu’il y allait de l’honneur de l’Église de relever le niveau de l’instruction des clercs et de prendre la tête de ce mouvement général, qui emportait les nations d’Occident vers la connaissance de l’antiquité ou de la nature et l’étude des chefs-d’œuvre des littératures grecque et hébraïque. La bulle d’Alexandre VI (février 1495), octroyant à l’Université d’Aberdeen les mêmes privilèges qu’aux Universités de Bologne et de Paris, marque bien les deux objets qu’on se proposait en les fondant : élever le niveau intellectuel du clergé et mettre l’instruction à le portée des plus pauvres. Le pape Borgia se déclare « affligé d’apprendre que ses fils écossais, séparés du reste du monde par leurs golfes et leurs très hautes montagnes, sont si grossiers et si ignorans qu’il est impossible de trouver chez eux des personnes capables de lire la parole de Dieu et d’administrer les sacremens. » Il voudrait leur procurer cette « perle inappréciable de la science, qui non seulement permet de découvrir les secrets de l’univers, mais encore aide ceux de la plus humble origine à parvenir au rang le plus élevé. »

L’organisation de ces premières Universités d’Écosse fut calquée sur le modèle de Paris. Elles reçurent du Saint-Siège, qui approuva leur constitution, et elles gardèrent jusqu’au XVIe siècle une empreinte ecclésiastique : c’est ainsi que tous les maîtres devaient porter le costume de clerc et étaient astreints au célibat. Mais, par suite même de cette dépendance de l’Église catholique, c’est-à-dire universelle, elles furent affranchies de l’esprit étroitement national.

L’Université fondée dans la plus pauvre cité d’Écosse, à Saint-André, par exemple, n’appartenait pas à la nation écossaise, ni à tel ou tel clan ; elle devait être égale en rang et si possible en richesse et en grandeur aux universités créées dans les villes les