Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 142.djvu/712

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
706
REVUE DES DEUX MONDES.

encore que le tout de la vie, même pour une femme, n’est peut-être pas d’être caressée exactement d’une certaine façon. Cette façon-là, Louise l’a-t-elle trouvée chez cet imbécile de Larcena ? On en doute, à voir sa figure quand elle en revient. Elle la demandera donc à Maubret ; et, si Maubret ne la satisfait point, sans doute elle s’adressera à quelque autre ?

Cette femme m’écœure, simplement. Ne peut-on aimer en dehors de ce qu’elle cherche, sans le dire, avec tant d’obstination ? Ou bien, sont-ce les manières, le caractère et l’humeur de son mari qui l’offensent, même hors de l’alcôve ? Elle s’en accommoderait à la longue, si elle avait bonne volonté et si elle prenait au sérieux la promesse par laquelle ils se sont liés jadis. On vit très bien, et d’une vie très supportable, avec des personnes chez qui bien des choses nous déplaisent, quand on les aime en somme et qu’on est aimé d’elles : et l’on nous dit que c’est le cas de Louise et de Henri. Et puis, qu’elle s’occupe donc de son enfant. Il y a encore là, pour elle, si elle veut, des possibilités de bonheur. Quant au « droit au bonheur », c’est une niaiserie, et c’est même une locution qui n’a peut-être aucun sens.

En résumé, l’insurrection de cette incomprise est deux fois incompréhensible. Car, d’abord, elle s’insurge contre un mystère : la disconvenance de deux systèmes nerveux, disconvenance dont il n’est pas du tout prouvé que son mari soit plus responsable qu’elle-même. Et elle se révolte ensuite, confusément, et dans un trouble plein de contradictions, contre une loi de nature qu’aucun changement ni du Code ni des mœurs publiques n’abolira jamais. Elle répète qu’elle veut travailler comme son mari afin de ne plus dépendre de lui : et, en attendant, elle ne fait rien, elle néglige toutes ses tâches féminines et oublie d’être mère et de tenir le ménage. Cela signifie qu’elle aspire à être, non pas l’égale de son mari, mais sa « pareille », ce qui est absurde.

Elle dit à un endroit : « Je ne suis qu’une femme… extrêmement femme… », de l’air d’une dinde qui trouve ça très distingué : et, le reste du temps, elle refuse précisément d’être une femme. Mais la nature n’a souci de ces refus. Qu’on accorde aux femmes les mêmes droits civils dont « jouissent » les hommes, le même salaire pour le même travail, l’accession à tous les métiers et professions, le droit de vote, si l’on veut, et même l’éligibilité politique, tout ce que réclament les plus excitées d’entre elles. J’y consens pour ma part. La chose publique n’en ira pas plus mal ; et beaucoup de pauvres abandonnées pourront mieux vivre. Cela empêchera-t-il les femmes d’être, physiquement, plus faibles que les hommes, d’une sensibilité plus dé-