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REVUE. — CHRONIQUE.

sans cesse annoncées et jamais réalisées, doivent toutes se faire dans le domaine financier. Aux yeux d’une assez grande partie de la population, elles se réduisent à des termes très simples : ne plus payer du tout d’impôts et en accumuler toute la charge sur les autres. Voilà une réforme ! Si on pouvait l’accomplir, elle serait incontestablement sentie par tout le monde, par ceux qu’elle allégerait et par ceux qu’elle frapperait, et si elle faisait des mécontens, elle ferait aussi des satisfaits. Mais est-elle possible ? Si elle ne l’est pas, les promesses qu’on a prodiguées aboutiront inévitablement à une grande déception. Rien n’est plus dangereux que de faire sonner pendant plusieurs années de suite ce mot de réformes aux oreilles des contribuables, et de se trouver en fin de compte réduit à l’impuissance. Tout notre système d’impôts a été mis en question depuis quelque temps ; toutes les assises en ont été ébranlées ; toutes ont résisté. Lorsqu’on a comparé les systèmes nouveaux que, sous le nom de réformes, on opposait au système actuel, on s’est aperçu qu’on ne pouvait que perdre au change et que ce qui existait valait encore mieux que ce qu’on proposait. C’est ainsi que chaque prétendue réforme réunissait aussitôt contre elle une coalition formée parfois des élémens les plus divers, et toujours triomphante. Tantôt les radicaux proposaient l’impôt général et progressif sur le revenu, et ils rencontraient contre eux le centre et la droite. Tantôt le gouvernement modéré, le gouvernement de M. Méline, piqué de la même tarentule et se croyant obligé, lui aussi, de faire des réformes, proposait l’impôt sur la rente, et il était obligé de reculer devant la coalition des radicaux et de la droite, ainsi que devant l’ébranlement et le désarroi d’une partie du centre. Tous les partis ont successivement échoué sur ce même banc de sable. D’où cela vient-il, sinon de ce qu’il n’y a pas, en ce moment, de réformes considérables à opérer ? Ceux qui soutiennent le contraire se trompent, et ils trompent le pays en se trompant eux-mêmes. Est-ce à dire qu’il n’y ait rien à faire ? Eh ! non ; nous l’avons dit et nous le répétons : il y a toujours à améliorer certaines parties de l’instrument dont on se sert, quelque bon qu’il soit. Ces perfectionnemens de détail, le gouvernement et les Chambres d’aujourd’hui sont capables de les réaliser, à la condition qu’ils veulent bien borner là leur effort. S’ils essaient de faire davantage, ils n’aboutissent, comme on l’a vu, qu’à des avortemens. C’est, au surplus, une très fausse conception politique, paradoxale et pernicieuse, que celle qui consiste à croire que le meilleur des gouvernemens est celui qui change le plus de choses autour de lui. Le meilleur gouvernement est celui qui se sert le plus habile-