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LES LUTTES ENTRE L’ÉGLISE ET L’ÉTAT.

servait aux clercs le droit de constituer la hiérarchie religieuse ; elle méconnaissait la primauté pontificale, mais protégeait la formation du corps ecclésiastique contre l’ingérence du prince. En abandonnant à la volonté des laïques le recrutement du sacerdoce, la constitution civile détruisait à la fois l’autorité de Rome et l’autonomie de l’Église en France. Le pape, presque tous les évêques, la majorité des prêtres protestèrent, et alors apparut combien vite des philosophes contredits peuvent devenir des tyrans. C’est du passé que leur erreur était pleine, c’est au passé qu’ils empruntèrent les moyens de la soutenir. La force rompit les rapports avec Rome, imposa aux prêtres un serment d’obéissance, à ceux qui le refusaient la déportation ou la mort, frappa de même les laïques devenus criminels s’ils gardaient leur foi, brisa Jusque sur les tombes des pères la croix que devaient oublier les fils, effaça de la langue le mot de Dieu. Plus que jamais l’État était juge et bourreau en matière religieuse : la seule différence fut que les supplices, au lieu d’être, comme autrefois, une exception, devinrent une habitude, et qu’au lieu de défendre contre une minorité la foi séculaire et générale, ils se perpétuaient pour détruire cette foi au profit de doctrines odieuses à presque tous. Même quand la fureur de la Convention se dissout dans la corruption du Directoire, cette haine contre le catholicisme persiste : déjà les royalistes obtiennent de rentrer en France, et pour les prêtres le couteau émoussé de la guillotine tombe encore. Dérision terrible, ce siècle humain finit dans le sang ; la révolution, qui avait pour jamais enlevé à l’État tout droit sur les consciences, a, en moins de dix années, imposé à la France quatre religions contraires. Dans l’Assemblée constituante une trentaine de parlementaires ont machiné un schisme avec la constitution civile ; quelques subalternes de la Commune ont été assez forts pour rétablir le paganisme avec la déesse Raison ; il a fallu Robespierre pour restaurer l’Être Suprême ; il a suffi d’un La Revellière-Lépeaux pour fonder le culte des théophilanthropes. La raison a de quoi être fière, elle a égalé à la férocité de ses actes l’imbécillité de ses plans.

Seule la gloire des armes n’avait pas trompé la France, et c’est pourquoi Bonaparte recueillit légitimement le pouvoir. L’ordre que ce pouvoir ramenait n’eût pas été rendu à l’État s’il n’eût été rendu à l’Église. Il fut rétabli par le Concordat.

À la solidarité des deux pouvoirs voulue par l’ancienne