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LES LUTTES ENTRE L’ÉGLISE ET L’ÉTAT.

avait charge de lutter contre toutes les idolâtries. Dès lors, aussi souvent que la société civile renouvelait son hymne au principe créateur, universel et tout-puissant de la liberté, l’Église a renouvelé avec une solennité égale ses réserves, ses avertissemens, ses dénégations. Elle a condamné sous toutes les formes le principe de la liberté absolue, et elle a établi en principe son propre droit de soustraire son dogme à la contradiction. De là un divorce public entre la pensée du siècle et la pensée de l’Église.

En désavouant, au nom du droit immuable, la passion la plus violente d’une époque, l’Église désignait elle-même à ses adversaires où ils la pouvaient frapper. De ce qu’elle condamnait les libertés absolues, ils ont conclu qu’elle était contraire à toute liberté : de ce qu’elle affirmait son droit à être protégée par les lois de l’État, ils ont conclu qu’elle mettait dans l’énergie répressive de ces lois toute sa confiance. Dès lors les accusations étaient faciles. L’Église qui demande obéissance au nom de la vérité ne devrait-elle pas croire à la puissance de cette vérité ? Pourquoi a-t-elle peur de la raison ? Pourquoi impose-t-elle silence au lieu de convaincre ? Son appel aux contraintes prouve que son principal souci n’est pas la conquête des âmes, mais la domination des États. Le but de cette domination fùt-il le bien désintéressé des peuples, dès que l’Église, au lieu de préparer par la conquête évangélique de chaque volonté l’avènement de l’État chrétien, prétend employer la puissance publique à gouverner le for intérieur des hommes, elle déserte sa mission et en usurpe une autre. Son désir de s’appuyer sur les lois la rend dépendante de ceux qui les font, même s’ils sont en lutte contre le sentiment public : elle devient, par une conséquence perpétuelle, l’alliée des gouvernemens et l’adversaire des peuples. Comme l’entente qu’elle rêve d’établir avec ces gouvernemens aurait à la fois pour résultat de mettre l’influence religieuse au service d’un pouvoir purement humain, et de transformer l’autorité politique en instrument d’autocratie religieuse, c’est-à-dire de préparer par une double confusion une double servitude, lutter contre ces doctrines est donc défendre à la fois la liberté religieuse et la liberté civile. Et comme l’Église se vante elle-même que ses doctrines sont immuables, il ne faut pas cesser de les combattre.

Voilà le caractère de ce conflit soudainement apparu lorsque la sève des discordes confessionnelles semblait épuisée. La raison humaine, si elle n’était plus disposée à pénétrer en maî-