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gnement, parce que la campagne a toujours été menée par des hommes résolus non à servir la vérité, mais à perdre le catholicisme, et que l’audace des mensonges accusateurs trouve sans défense l’incompétente crédulité des foules. Mais pour qui ne veut ni tromper ni être trompé l’enseignement subsiste ; c’est le dénaturer que présenter l’Église comme l’ennemie doctrinale de la liberté et il reste au fond de cette grande querelle une grande équivoque entretenue par une grande haine.

Est-il plus vrai qu’en fait l’Église ait depuis un siècle desservi la cause de la liberté ?

Cette seconde question est autrement complexe que la première. Celle-ci n’offre de difficulté que sa hauteur. Il faut gravir jusqu’à la dernière cime le monde abstrait des idées, mais de là un seul regard les assemble, et l’on y recueille, de l’autorité qui a pouvoir d’engager l’Église, la réponse une, absolue, définitive des principes. S’agit-il, au contraire, de la conduite historique tenue par l’Église dans les États, l’Église n’est plus représentée seulement par ses chefs infaillibles, mais par son clergé national, mais par la multitude des laïques, et d’ordinaire ceux qui ont le moins de compétence sur le dogme ont le plus d’action sur les événemens. Cette action à toute heure disputée par les multiples influences qui la conduisent ne s’avance pas d’un seul mouvement à travers un siècle. Si orientée soit-elle, elle l’est avec les incertitudes que la mobilité des circonstances, des passions et des hommes donne à la marche de l’humanité. Juger d’un seul mot et absolu ces contingences, comme on tranche un principe, serait ne pas juger. La synthèse se dérobe sous la multitude et la succession des analyses. Pour connaître la vérité, il faut, — ce sera l’objet d’un prochain article, — étudier les rapports entretenus depuis un siècle entre l’Église et nos divers gouvernemens.

Étienne Lamy.