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rapprochemens qu’elle occasionne est assez évident pour n’y pas insister. Mais je crois aussi que nous sommes très portés à exagérer la ressemblance des sons du langage et des sons naturels. Ceci mettrait d’ailleurs en évidence la force de l’association par ressemblance à qui suffirait, pour agir, une analogie assez vague que cette association même nous ferait paraître beaucoup plus précise qu’elle ne l’est.

Je rappellerai encore l’analogie qui fait former les mots nouveaux sur le patron des formes anciennes. Si nous forgeons un adverbe, nous le terminons en ment autant qu’il nous est possible ; si la création d’un verbe nous paraît s’imposer, nous le rangeons dans une des conjugaisons connues et lui donnons la terminaison convenable. Il y a une attraction du son déjà employé dans certaines circonstances et qui exige un son semblable à lui ; et ceci est conforme au principe du moindre effort. D’une manière générale les nouveaux mots sont formés d’après des types existant déjà. Non seulement les sons appellent les sons semblables, les suscitent et les éveillent dans notre esprit ; mais s’ils n’existent pas déjà ils les créent, ils nous obligent, en quelque sorte, à les former. Si, en effet, ce n’est plus l’idée qui est évoquée par la jonction préalable de deux mots dont les sons se ressemblent, c’est le mot qui est évoqué par les mots de forme semblable et de rôle grammatical analogue, sous l’influence de l’idée. Il faut bien remarquer que l’association par ressemblance, — et c’est ce qui fait sa valeur, — est ici sous la dépendance d’une association systématique. Entre l’enfant, l’aliéné qui enfile l’un à la suite de l’autre une série de mots se terminant par un même son, et l’homme qui donne au mot qu’il crée la forme générale et la terminaison des mots appartenant à la même classe, c’est précisément là que se trouve la différence. Chez les premiers l’association par ressemblance ne sert qu’à elle-même ; chez le second elle sert à classer un mot, à lui donner un signe qui permettra de le reconnaître immédiatement, de lui attribuer sa vraie fonction, et de s’en servir utilement.

L’association par ressemblance de son préside ainsi à la formation des termes nouveaux qui s’introduisent dans une langue. Descendons des lois générales à des faits particuliers, nous la verrons à l’œuvre, et en choisissant des exemples, nous aurons occasion de constater une fois de plus combien la force psychique élémentaire que nous étudions est aveugle par elle-même,