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professeurs dont il a besoin pour les établissemens et les chaires qu’il a créés, que reste-t-il pour les familles qui veulent confier la direction de leurs domaines à l’un des leurs ou à ces ingénieurs agronomes diplômés par le gouvernement ? Tous les jeunes gens qui se destinent à l’agriculture ne peuvent pas venir s’installer à Paris. Il faudrait des écoles de hautes études « régionales ». L’État peut-il les fonder ? Y a-t-il intérêt à ce qu’il les fonde ? Et quand il en aurait ouvert quelques-unes trouverait-il aisément des élèves pour les remplir ?

À tort ou à raison, les hautes classes et une grande partie de la classe moyenne, dont l’étiage se mesure à la fortune, tiennent en suspicion, non pas l’enseignement de l’État qui appartient à un corps enseignant de premier ordre, mais l’éducation qui est à peu près nulle. On sait avec quelles difficultés l’État entretient ses lycées et quelle serait leur indigence s’ils n’étaient alimentés par la manne des bourses. Il en serait de même de ses instituts agricoles s’il s’avisait de les multiplier. Un seul lui suffit.

Mais ce que l’État ne peut faire sans s’obérer en pure perte, l’initiative privée l’a entrepris. Depuis deux ans l’Institut catholique de Lille, c’est-à-dire l’École des hautes études du Nord, à ses Facultés de droit, de médecine, des sciences et des lettres a joint des cours d’agriculture qui correspondent assez bien à ceux de l’Institut agronomique de Paris. Il y a même ajouté quelque chose, une ferme de 75 hectares, en pleine prospérité, où il a ouvert depuis une école pratique, la ferme de Genech, véritable école d’enseignement secondaire, plus nécessaire encore que l’École des hautes études. Ainsi se trouve complété par la pratique l’enseignement supérieur de Lille. Il faut voir là un exemple qui sera certainement imité malgré les difficultés des premiers jours. Cinq écoles de ce genre répandues sur le sol français seconderaient singulièrement le mouvement d’opinion qui se manifeste en faveur de ce « retour aux champs », et contribueraient à relever l’agriculture du discrédit où elle est tombée. On parle beaucoup « d’élever des barrières aux flots montans du socialisme », on fonde des « ligues » dont on espère faire des digues. La digue véritable et solide, c’est l’intérêt de tous développé par le travail et posé sur une base inébranlable de morale et d’honneur.

L’Institut agronomique de Paris ne possède pour ses trois années de cours (deux années pour les bacheliers) que 200 élèves. Ce petit nombre d’aspirans au diplôme officiel est-il compensé par le nombre d’élèves dans les établissemens d’instruction agricole secondaire ? La plus importante de toutes, Grignon, en compte-t-elle plus de 100 ? Les