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ple a déjà fécondé presque tout l’enseignement primaire libre. « Dix-sept autres congrégations vouées à l’enseignement libre ont modifié leur programme pour y faire une plus large place à l’enseignement agricole. »

Il est consolant de penser que tant de travaux de laboratoire, tant de découvertes précieuses, tant de prodiges de chimie et de mécanique, tant d’efforts intellectuels prodigués en moins d’un siècle, ne resteront pas stériles et que des hauteurs de l’enseignement ils pourront descendre dans les masses agricoles pour y produire cet hectolitre de plus par hectare qui suffirait à rétablir la fortune du sol et à lui assurer la victoire sur l’étranger sans demander aucun sacrifice aux autres industries indigènes. Si l’état bien inspiré ne met pas obstacle à ce déchaînement de bonnes institutions et de dévouemens, on pourra voir inscrits sur un tableau d’honneur, dans la plus humble école de village, les noms de ces grands artisans de la science agricole : Dombasle, Gasparin, J.-B. Damas, Sainte-Claire Deville, Boussingault, Barral, Lecouteux, Pasteur, les précurseurs, et, plus près de nous, des vivans : Grandeau, Girard, Dehérain, Tisserand, G. Ville, Schlœsing, Risler, Joulie, Müntz, Aubin, parmi bien d’autres. Demandez aujourd’hui aux élèves des écoles rurales qui sont ces hommes : hormis Pasteur, ils n’en connaîtront pas un. Il n’est même pas bien sûr que l’élève sortant du lycée mène plus loin son savoir.

L’État ne manque cependant pas d’auxiliaires pour faire entendre ces noms aux échos des campagnes, et répandre la semence scientifique sur les champs abandonnés. On a considéré comme une œuvre de haute sollicitude la création d’une chaire d’enseignement agricole dans chaque département. Le professeur départemental, qui touche 6 000 francs d’appointemens, a trente-deux leçons à faire dans l’année à l’école normale primaire. Le reste de son temps est occupé à porter généreusement la bonne parole dans les cantons. Il ne faut point douter que les leçons qu’il donne à l’école normale ne soient précieuses pour les futurs instituteurs. Nous aurions quelque peine à les contrôler. En attendant, ce qui est incontestable, c’est que ses tournées lui ménagent un assez agréable passe-temps, Le paysan français, né malin, a défini le professeur départemental : « Un monsieur qui est payé pour se promener dans les champs et pour dîner chez les fermiers. » On peut douter que ceux-ci aient besoin de ses leçons.


Alphonse de Calonne.