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d’orangers, de palmiers. Tout cela a été détruit il y a quinze ans à peine : il ne reste que la fontaine ornée de rocailles, qui, isolée, a perdu sa valeur. Toute la parure dont l’art ingénieux de la Renaissance avait revêtu ce penchant de la montagne n’existe plus. Ce regret ne doit pas rendre injuste pour tout ce qu’ont donné les fouilles pratiquées au Palatin depuis trente ans, depuis M. Pietro Rosa, alors que le Palatin était la propriété de l’empereur Napoléon III, jusqu’à la dernière exploration faite en l’honneur de la visite de l’empereur d’Allemagne en avril 1893. Elles se continueront dans la partie du stade quand la villa Mills disparaissant enfin, on pourra, par des fouilles profondes, avoir le dernier mot des incertitudes qui planent sur la maison d’Auguste. Puisse seulement, alors, le dernier groupe d’admirables cyprès qui domine toute la colline et on peut dire toute la perspective de Rome dans cette région, être épargné ! Il faut en attendant jouir de ce qui nous est offert, et il n’est point de lieu dans Rome, plus propre que le Palatin à faire comprendre la joie, l’enivrement d’errer parmi les ruines, sous le ciel bleu. Dans la divine lumière, le moindre épisode prend une valeur imprévue : c’est, au milieu d’un vaste pan de mur rougi par les chauds rayons, une ouverture sur la campagne lointaine ; une blanche colonne élancée, une voûte qui à une hauteur prodigieuse s’arrondit et offre de délicats caissons. Toute la ville s’étend sous les regards qui vont du dôme Saint-Pierre aux monts albains. Au ravissement des yeux se joint le ravissement de l’esprit, hanté par tant de grands souvenirs. L’histoire presque entière de l’ancienne Rome est encore inscrite en vestiges visibles sur la colline autour de laquelle Romulus traça l’enceinte de la Roma quadrata.

Certes, les sujets d’étude et d’admiration, encore maintenant ne manquent pas, et ceux qui n’ont pas connu le passé ont peut-être quelque impatience à nous suivre dans nos récriminations ; et cependant combien en pourrions-nous encore ajouter ! Et l’admirable vue qu’on avait du portique de Saint-Jean de Latran ? Nous en savons qui, arrivant à Rome, courant à ce lieu béni pour y renouveler leurs anciennes admirations, et se trouvant en face d’horribles baraques qui ont à jamais gâté, déshonoré ce sublime tableau, un des plus beaux non pas seulement de Rome, mais du monde, ont senti les larmes leur monter aux yeux et la malédiction aux lèvres. — Et la villa Wolkonsky avec son aqueduc enveloppé de lierre ? éventrée, dépouillée. — Et cette paisible