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du palais Farnèse, rappellent cet ancien fléau : il y a encore la via del polverone. Au côté droit, un éperon de la rive s’avançait et obstruait le cours du fleuve. Quand on voulut le faire disparaître, on fut fort surpris de trouver, à peu de profondeur dans un sol tout pénétré des eaux qui tombent du Janicule, cette riante et élégante demeure de la première période impériale. Les stucs des plafonds égalent ou surpassent en élégance ceux des célèbres tombeaux de la voie latine, et les parois offrent une série de peintures d’un grand charme et d’un vif éclat. L’artiste grec qui a inscrit sa signature, encore très lisible, sur ces pages brillantes, n’était pas un simple décorateur de l’école pompéienne ou de celle de Ludius ; les peintures de la maison de Livie à Prima Porta n’atteignent pas cette finesse ; celles du Palatin, dans leur forte majesté, conviennent à une demeure impériale, — et celles-ci à une belle villa de plaisance.

Si le fond du fleuve ne s’est pas trouvé, comme le disaient les légendes du moyen âge, pavé de lames d’or, si, comme le voulait la tradition, on n’y a pas rencontré le chandelier à sept branches et les dépouilles du temple de Jérusalem, les dragues ont recueilli une infinité de petits objets : pierres gravées, médailles, monnaies, instrumens et outils de toutes sortes. Enfin d’importantes statues de marbre, de bronze, un Apollon, deux gladiateurs, etc., ont été ramenés au jour. Il fallait trouver un asile à tant de richesses auxquelles se joignaient d’autres trouvailles faites au Palatin, et une admirable statue grecque venant de la villa de Néron à Subiaco. Un nouveau musée s’est ouvert ; l’ancien couvent des Chartreux, construit lui-même au milieu des ruines des thermes de Dioclétien, avec les galeries de son cloître dont Michel-Ange fut l’architecte, s’est prêté admirablement à recevoir tous ces trésors.

On le voit, la science archéologique, celle au moins qui s’enferme dans des musées et se résume dans des catalogues, n’aurait qu’à se louer de l’administration italienne. Comment se fait-il que ce soit parmi les savans italiens, et certes on en compte d’illustres, que les plaintes des étrangers et des artistes aient trouvé le plus d’échos ? C’est que ce qu’on a donné ne console pas de ce qu’on a perdu ; c’est qu’une large science historique regrette de grandes impressions fécondes pour la divination du passé. C’est enfin qu’en Italie le culte de la beauté avait ses droits : nous croyons avoir résumé ici, dans un bien rapide et incomplet aperçu, les sentimens de ceux qui, sans hostilité et sans méconnaître la