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historiques et de scènes religieuses d’une solennelle froideur, donne une silhouette de moine ë tique, curieusement hideux, flairant des viandes à l’état d’un boucher. D’aussi brusques reviremens d’idées sont peu fréquens. On comprend très bien que les Suédois aient été peu attirés par la recherche du détail rare, dont ils n’avaient pas besoin pour rajeunir leur observation ; de tous côtés s’offrent à eux des sujets vierges encore de toute étude dont ils vont pour la première fois dégager l’expression ; ils ne connaissent point la gêne causée par le souvenir d’une réalisation antérieure : ils sont en pleine nouveauté, et, pour être originaux, il leur suffit de réussir à exprimer quelqu’une de leurs impressions quotidiennes.

Nous avons vu que la vie du Nord était surtout caractérisée par une étroite intimité de l’homme et de la nature : les Suédois sont dominés par un sentiment vivant de la beauté des choses qui est la vraie source d’inspiration de leurs artistes comme aussi de leurs poètes. Ils y reviennent sans cesse avec une volonté plus ou moins claire et lui subordonnent toute intention d’art. Il en résulte comme une similitude toujours plus parfaite entre les diverses formes de l’observation : il n’est pas d’école où soient plus atténuées les distinctions artificielles conservées par la tradition entre la peinture de plein air, par exemple, et le style décoratif ou le portrait. Les Suédois sont, avant tout, impressionnés par la splendeur changeante des décors où s’encadrent leurs conceptions : la nature leur parait plus grande et plus belle que l’homme : souvent il n’apparaît qu’accessoirement en leurs œuvres. La race et le milieu les font peintres de paysages. Le paysage est pour eux une forme supérieure de l’art, et — qu’ils en aient ou non conscience — ils tendent à y ramener tous les genres ; ils n’ont pas de spécialistes, ils n’auront bientôt plus de spécialités. Tous leurs peintres sont d’abord paysagistes ; s’ils veulent nous montrer des scènes d’intérieur, on sent que des images de plein air illuminent leur souvenir, et on retrouve à tout moment le rappel des visions du dehors dans l’ampleur des attitudes ou la liberté des lumières ; ils élargissent, ils éclairent toujours.

Dans les vingt dernières années, ce paysage ainsi universellement conçu a inspiré une infinie variété de talens. Parmi ceux dont les œuvres parviennent à Paris, voici Wahlberg dont la carrière raconte l’évolution de la peinture suédoise, répudiant peu à peu les conventions pour chercher directement la vérité ; il a