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leur dette ; non seulement en nous montrant sous des aspects nouveaux la splendeur de la nature, mais quelquefois même en rendant nos propres idées dans leurs œuvres plus sincèrement que nous-mêmes.

Les révolutions en général ne réussissent qu’incomplètement à ceux qui les font, et l’art ne peut être bouleversé d’un coup ; entre la nouveauté et la tradition, une proportion doit s’établir que nous avons souvent dépassée. Les Suédois peut-être auraient voulu nous suivre : les conditions de leur milieu, de leur tempérament, s’opposaient à tout excès et ont heureusement dirigé leur élan : nous avons vu avec quelle facilité leurs peintres ont trouvé la forme la plus logique et la plus attirante du réalisme. Ils n’ont pas fini de la perfectionner, alors que depuis longtemps nous avons repris notre voyage aventureux à la recherche de nouveauté. En France, la patience est rare : une idée chasse l’autre, et la mode est autoritaire : on n’a pas encore eu le loisir d’aller au fond d’une réforme qu’il faut déjà se débattre avec une autre qui vient. Nous allons trop loin et trop vite. Et nous savons tant de choses qu’il nous arrive d’en oublier quelques-unes : surtout il nous est difficile d’être simples : c’est ce que nous rappelle par des exemples concluans l’œuvre artistique de nos anciens disciples. En dépit de l’ignorante obstination des chroniqueurs, on s’est lassé des vagues formules du « symbolisme et des brumes du Nord » ; nous avons voulu savoir ce que recouvrait leur puérile emphase, et nous commençons à connaître que la Suède est une patrie de pensée claire et de lumière limpide. Ses artistes nous l’ont prouvé en de victorieuses démonstrations : ils ont au fond d’eux-mêmes cette « probité intellectuelle » qui les laisse toujours naturels et vrais. Et nous devons avoir confiance en leur jeunesse. Ainsi que la Fleur de neige, l’art suédois s’éveille au grand jour, rayonnant d’une beauté naissante qui est déjà plus qu’une promesse.


MAURICE GANDOLPHE.