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n’ont-ils obtenu que des concessions de détail : la plus importante est l’abolition des droits de likin (douanes intérieures) sur le Si-Kiang, mais jusqu’à Vuchou-fou seulement. Les négocians indigènes pourront plus facilement faire remonter jusque-là les marchandises européennes, mais le fleuve n’en reste pas moins fermé, aux étrangers. Une nouvelle convention sino-birmane concède aux Anglais quelques consulats et un morceau de territoire dans le nord-est de la Birmanie ; c’est une compensation des avantages analogues que la convention du 20 juin 1895 nous avait accordés. Enfin la Chine avait consenti de vagues promesses de jonction des chemins de fer birmans avec ceux qu’elle pourrait éventuellement construire le long du Si-Kiang ; mais, sans parler des grandes difficultés naturelles, la réalisation d’un projet si contraire à nos intérêts paraît d’autant plus incertaine que la récente convention du 20 juin 1897 nous permet de couper à angle droit la voie commerciale projetée par les Anglais et de barrer à leur ambition la route du Yunnan à Hong-Kong. Lorsque les voies ferrées projetées par la France et la Russie seront établies, les grands courans commerciaux de l’Empire du Milieu prendront la direction du nord et du sud, tandis qu’actuellement ils suivent le cours des fleuves dans une direction ouest-est. La diplomatie franco-russe a donc intérêt à contrecarrer les visées britanniques ; elle y a jusqu’à présent réussi ; la dernière convention, due à l’habileté de M. Gérard, en est une preuve, et la mauvaise humeur des feuilles anglaises nous est un indice certain de notre succès.

Pas plus que les Chinois, les Japonais n’ont oublié les volte-faces de la diplomatie britannique et la brutalité de ses procédés ; entre les deux gouvernemens les relations sont restées froides. — Dans tout l’Extrême-Orient, l’antique prestige de l’Angleterre a été, depuis les derniers événemens, singulièrement amoindri ; les Orientaux ont vu avec étonnement le Japon, soutenu par l’Angleterre et obligé cependant de se soumettre aux injonctions russes-françaises-allemandes : très « positivistes », ils ont cessé de respecter dans la Grande-Bretagne la maîtresse de l’univers. Au milieu de 1895, dans les affaires des massacres du Setchouen et de la convention Berthemy, les efforts du ministre anglais, tardivement appuyés par une imposante démonstration navale, n’aboutirent à aucun résultat ; la France au contraire, grâce au tact et à l’énergie de M. Gérard, à l’activité et à la décision de l’amiral de Beaumont, obtint, avec un bien moindre déploiement