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dénoncent une entente secrète entre l’Autriche et la France. C’est enfin l’éternel conflit des indemnités et des arrondissemens. Affectant de ne prétendre à rien pour lui-même, et ne pouvant d’ailleurs raisonnablement rien acquérir en Allemagne et en Italie, Paul se proposait le beau rôle de pacificateur de l’Occident et de restaurateur des trônes. Il prônait la guerre de principes et ne rêvait rien moins que de réconcilier la Prusse et l’Autriche en leur imposant un commun désintéressement. Thugut faisait la sourde oreille : ce n’était point-là le langage de la politique, et si Paul se montrait si généreux, c’est que, vraisemblablement, il n’avait point encore jeté son dévolu. Le fait est qu’à peine entré en alliance avec les Turcs, il dirigea sa flotte vers les îles Ioniennes. Une révolte des habitans lui facilita la tâche de chasser les Français ; mais les Corliotes arborèrent le drapeau autrichien. Sur quoi Paul d’entrer en fureur, et de déclarer à Cobenzl que les îles seront à lui, ainsi que Malte, dès qu’on l’aura prise. Il fallut en passer par-là. Thugut se félicita de n’avoir point signé au préalable une déclaration de renonciation aux conquêtes.

Sur ces entrefaites, arrive la nouvelle de l’entrée en guerre des Napolitains. Paul, aussitôt, ordonne à son envoyé à Vienne de notifier à l’empereur son traité avec cette cour, et somme l’Autriche de se déclarer : « Nous ne pouvons, écrit-il (31 décembre 1798), nous contenter d’aucune réponse dilatoire. » Dans ces conditions, le congrès de Rastadt n’est plus que nuisible. Paul invite l’empereur à le dissoudre. Enfin il faut que Thugut s’explique : sa conduite équivoque permet toutes les suppositions. Ces instructions arrivent à Vienne à la fin de janvier, et Rasoumowski s’en ouvre à Thugut. Ce ministre s’indigne, proteste : ses prétendus pourparlers avec les Français ne sont « qu’autant de fables destituées de tout fondement, répandues à dessein par le Directoire de Paris et par la cour de Berlin… pour jeter la désunion entre les cours bien pensantes ; » l’empereur est depuis longtemps résolu à n’accéder à aucun arrangement qui ne fonde pas la paix « sur des bases tranquillisantes pour l’Europe, telles que l’évacuation entière de l’Italie et de la Suisse par les troupes françaises, la destruction de toutes les nouvelles républiques depuis la paix de Campio-Formio, l’exclusion de toute influence du Directoire français dans les affaires de l’Empire » ; l’empereur reprendra les armes dès que la saison le permettra ; mais il est nécessaire de former d’abord, dans le plus grand secret, « un concert