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de l’armée. Les Bourbons préparent un débarquement. Ils ont des affiliés partout. La flotte anglaise croise sur les côtes ; on annonce l’approche de la flotte russe. Les Français multiplient les colonnes ; mais la guerre de peuples, implacable et meurtrière, les décime et les éreinte. Bloqué à l’extrémité de l’Italie, avec une poignée d’hommes, contrarié dans son autorité, Championne ! voit surgir autour de lui les difficultés dont ne purent triompher ni Joseph, ni Murat, malgré l’Europe soumise, la discipline des fonctionnaires, l’unité du pouvoir, l’ordre des finances et le puissant concours des troupes napoléoniennes. Il se sent perdu, il sent la république napolitaine perdue, s’il ne frappe pas un coup d’audace.

Il fait son Fructidor ; il casse les commissaires et les expulse de Naples. Naples l’acclame ; il y est, pour quelques jours, dictateur populaire et tout-puissant. Il profite de l’accalmie pour sévir dans les Calabres et étouffer, s’il peut, l’insurrection royaliste. Il songe à passer ensuite en Sicile, à y faire une révolution, pour en finir, et à chasser le roi. Cette expédition eût été la pire des aventures, l’Irlande de cet autre Hoche. Il n’eut pas le temps de s’y risquer. Dans la nuit du 20 au 27 février 1799, il recevait l’ordre de remettre le commandement et de se rendre à Paris pour y comparaître devant un conseil de guerre. Il ne songea même pas à discuter cet ordre. Il fit ses adieux au gouvernement provisoire. Il remit le commandement au plus ancien des divisionnaires et partit à pied, dans la nuit du 28, se dissimulant pour échapper aux manifestations de l’armée et du peuple. Le 1er mars, Macdonald, qui se tenait aux aguets et cabalait avec les commissaires, prit le commandement en chef. « Je l’ai comblé d’argent et de louanges », écrivait Championnet. Macdonald agit envers lui comme il le fit envers Napoléon en 1814. Il entra dans Naples, rétablit Faypoult dans son proconsulat financier. La république napolitaine avait vécu. La domination des Français n’était plus qu’une question de force ; cette force, Macdonald n’en disposait pas, et Faypoult n’organisait que l’insurrection. La force était aux bandes royalistes insurgées, aux Anglais, aux Russes, aux lazzaroni enfin. Forcés d’abdiquer entre les mains du nouveau général et des commissaires, les républicains de Naples ne purent que se débattre dans le vide et se lamenter sur la perte de leur rêve et l’injure faite à leur héros[1].

  1. Voir dans Franchetti. Storia d’Italia, I, p. 382-384, les témoignages exaltés, mais sincères et touchans, de leur attachement à Championnet.