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l’Autriche, plus rapproché du Rhin, se montre prodigue de protestations, disposé, dit-il, « à unir, s’il le fallait, ses faibles moyens aux grandes forces de la République française[1]. »

C’est peu de chose. La Revellière, plus perplexe que ses collègues sur les résultats de la guerre, parce qu’il déteste davantage « l’orgueilleuse faction des généraux », pense à faire quelques concessions : « … Sacrifier, dit-il à Sandoz en février 1799, la Dalmatie à l’Autriche et à la Russie, rétablir les rois de Sardaigne et des deux Siciles. » Mais Barras se croit de taille à mater et mettre au pas les militaires ; mais Merlin se préoccupe des élections prochaines, du parti que les jacobins ne manqueraient pas de tirer d’une faiblesse du Directoire, des intrigues nouées entre les jacobins et certains généraux. Le Directoire aurait pu disputer longtemps sur la paix ou la guerre, si l’événement n’en avait décidé. Ce sont les nouvelles d’Italie, les insurrections dans la Cisalpine, dans le Piémont, où l’on voit la main de l’Autriche. Les Directeurs prennent aussitôt leurs mesures. Barras fait écarter Moreau, insuffisant, temporisateur, suspect d’ailleurs depuis la conspiration de Pichegru. Joubert est rappelé d’Italie ; on le trouve trop entreprenant, jouant trop le Bonaparte ; il est remplacé par Schérer, vieux, usé, qui passe pour savant et qui rassure le Directoire, sauf à trop rassurer l’ennemi. Brune passe en Hollande avec Bernadotte et 20 000 hommes ; Masséna en Suisse avec 30 000 hommes ; Jourdan vers le Danube avec 4 0000 ; Macdonald reste dans l’Italie du sud, Rome et Naples, avec, dit-on, 30 000 hommes. En tout 170 000 hommes pour défendre des positions qui s’étendent de la mer du Nord à la Sicile, contenir des pays en révolte et résister à la coalition des Anglais, des Russes et des Autrichiens ! Les Français prennent audacieusement l’offensive : Jourdan passe le Rhin le 28 février ; Masséna se met en marche pour occuper les Grisons. La guerre est officiellement déclarée le 12 mai à l’Empereur, et toutes les conquêtes opérées depuis 1794 sont remises en question.


ALBERT SOREL.

  1. Talleyrand à Alquier, 17 mars 1799 ; Bailleu, t. I, p. 348. — Eckart, Montgelas. — Hüffer, t. II, p. 291 : Rapport de Roberjot, 4 février 1799.