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qu’il vise surtout à faire parler de lui et à obtenir quelque bon présent. » Joachimi, le représentant des Provinces-Unies, ne lui était du reste pas plus favorable et recherchait toutes les occasions de le contrecarrer. En revanche, l’artiste trouvait, au début surtout, l’appui le plus bienveillant dans la personne de l’envoyé du duc de Savoie, Lorenzo Barozzi, avec lequel il avait aussitôt noué les relations les plus affectueuses. Chaque matin, il allait entendre chez lui la messe et, poursuivant tous deux le même but, ils se tenaient mutuellement au courant de leurs démarches respectives. Peu de jours après que Rubens était installé à Londres, ils avaient failli périr ensemble, victimes d’un accident survenu à l’embarcation dans laquelle ils étaient montés pour se rendre à Greenwich. Par suite d’un brusque mouvement de l’un des passagers, cette barque avait chaviré, et Rubens, étant tombé à l’eau, avait été recueilli par des bateliers du voisinage, tandis que Barozzi n’était sauvé qu’à grand’peine après un triple plongeon et que le chapelain qui les accompagnait perdait la vie.

Avec la réputation qui l’avait précédé en Angleterre, Rubens ne devait pas tarder à y être apprécié pour lui-même. Grâce à son savoir-vivre et à son intelligence, il se montrait égal à toutes les situations. Il avait donc bien vite gagné la faveur de Charles Ier et, après quelques pourparlers avec les ministres, il leur avait aussi inspiré la plus entière confiance. Au milieu des nombreuses questions abordées dans ces conférences, il ne se laissait jamais distraire de l’objet spécial de sa mission. Evitant de se prononcer sur les divers expédiens qui successivement lui étaient proposés, il objectait que ses pouvoirs étaient strictement limités à une suspension d’armes consentie en vue d’un traité de paix définitif dont la conclusion serait réservée à des ambassadeurs commis à cet effet.

Comprenant, au surplus, toute la gravité des circonstances, il n’hésite pas à écrire à Olivarès en un même jour (30 juin) jusqu’à trois lettres consécutives pour lui exposer très exactement la situation. Il a vu dès l’abord le maximum des concessions que peut faire l’Angleterre, et comme les résolutions, qui dépendent à la fois du roi et de ses ministres, y sont sujettes à de grandes variations, il insiste pour qu’on prenne à Madrid une décision nette et rapide, autrement sa présence et ses efforts seraient paralysés. L’ambassadeur de France est attendu de jour en jour, et il est certain qu’en rappelant les engagemens par lesquels on vient