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occasions qui pourraient s’offrir de servir Sa Majesté ». Sur l’apostille favorable de l’Infante, la Junte de Madrid rappelait que « l’Empereur Charles-Quint avait fait Titien chevalier de Saint-Jacques », et que les services importans rendus par le postulant, ainsi que la charge de secrétaire de S. M., empêcheraient que « l’octroi de cette grâce pût tirer à conséquence pour d’autres artistes. » Elle concluait à l’adoption de cette requête qui fut, en effet, confirmée le 20 août 1631 par Philippe IV. Aussi, à partir de ce jour, le peintre ajoutait aux armes déjà anciennes de sa famille un canton de gueules au lion léopardé d’or, emprunté à l’écusson royal d’Angleterre et qui figure dans les armoiries gravées sur l’autel de la chapelle funéraire de Rubens à l’église Saint-Jacques.

Le 24 mars 1631, les frais des voyages diplomatiques faits en 1629 et 1630 par le maître, « allant et venant pour le service de S. M. », furent réglés par une ordonnance de l’Infante moyennant une somme de 12374 livres de Flandre, somme qu’il est permis de trouver très modérée quand on songe à la longueur et à la durée de ces voyages. Heureusement les intérêts de l’artiste n’avaient pas eu trop à souffrir de ces séjours à l’étranger, car, ainsi qu’il lui était arrivé avec le roi d’Espagne, il rapportait d’Angleterre la commande d’un travail très important à exécuter pour le compte de Charles Ier, la décoration de la grande salle des banquets du palais de Whitehall, pour le prix de 3 000 livres sterling. Depuis longtemps, et déjà même sous le règne précédent, il avait été question de confier ce travail à Rubens, car, dès le 13 septembre 1621, celui-ci écrivait à W. Trumbull, agent de Jacques Ier à Bruxelles : « Quant à Sa Majesté et à S. A. Mgr le prince de Galles, je serai toujours bien aise de recevoir l’honneur de leurs commandemens, et touchant la salle du nouveau palais, je confesse d’être par un instinct naturel plus propre à faire des ouvrages bien grands que de petites curiosités. » Le maître avait-il peint à Londres les esquisses de ce plafond pour les soumettre à Charles Ier, lorsque celui-ci lui en confia l’exécution ou les avait-il faites dès son retour à Anvers ? Nous l’ignorons. En tout cas, ce n’est plus que d’après ces esquisses dont les collections du roi d’Angleterre possédaient un aspect d’ensemble et des études de détail, qu’il convient aujourd’hui d’apprécier cette décoration, car l’état actuel des originaux, détériorés par les nombreuses restaurations qu’ils ont dû subir à cause de l’humidité du monument, est tout à fait désastreux.