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de certaines pièces de M. Ancey, d’Une belle journée de M. Céard, et des romans et contes de M. Paul Alexis.

L’amant qui, après s’être installé dans le ménage de sa maîtresse, se vit un jour supplanté par un amant nouveau et essaie d’éveiller contre lui la jalousie du mari, le beau comédien qui, ayant séduit une jeune fille, se fatigue d’elle et l’abandonne, l’étudiant qui, à peine sorti de sa petite ville, fait peau neuve et devient un mauvais sujet, l’amoureux égoïste qui, craignant le mariage, marie la femme qu’il aime avec un autre homme : ne sont-ce pas là pour nous autant de vieux amis, et qui nous ramènent au temps déjà lointain où nos jeunes romanciers et auteurs dramatiques, par manière de plaisanterie, s’ingéniaient à diffamer la nature humaine ?


Et cependant le succès de ces romans de M. Nansen n’est pas seulement très vif, aussi bien en Allemagne que dans les pays Scandinaves ; il est encore, en un certain sens, tout à fait légitime. Et je distingue deux raisons qui, entre autres, suffiraient à elles seules pour le justifier.

La première est que, au service de ces sujets souvent traités avant lui, M. Nansen apporte une extrême habileté technique et même un véritable talent de conteur. N’étant pas, comme la plupart des écrivains Scandinaves, gêné par le goût du symbole, ni d’ailleurs par aucun principe d’aucune sorte, il s’en trouve infiniment plus à l’aise pour donner à ses récits le relief, la clarté, la variété qui conviennent. Ses livres sont très courts, très simples, débarrassés de toutes digressions inutiles ; et je ne crois pas que même en France on en trouve beaucoup de mieux composés. Quelque opinion qu’on en ait, on ne s’ennuie pas à les lire. Et non seulement ils ne sont pas ennuyeux, au sens le plus ordinaire du mot, mais on ne saurait s’empêcher de reconnaître qu’ils ont même, dans l’ensemble, une excellente tenue littéraire. Une poésie assez agréable, encore qu’un peu facile, s’y entremêle sans cesse au réalisme des peintures ; les images sont heureusement choisies, l’analyse des sentimens conduite d’une main très légère. Tout cela, en vérité, sent plutôt l’adresse acquise que le vrai instinct, et il n’y a pas jusqu’aux passages les plus pathétiques où l’on n’ait l’impression d’un certain apprêt. Mais si M. Nansen a trop uniquement en vue de plaire à son lecteur, du moins ne peut-on pas nier qu’il réussisse à lui plaire.

Et s’il n’est original ni dans le choix de ses sujets ni dans sa façon de les traiter, il a pourtant quelque chose qui le distingue de la plupart