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litique, surtout depuis quelques mois, se montre extrêmement mobile, variable, difficile à suivre, impossible à prévoir, en un mot capricieuse, fantaisiste et presque fantasque. Un jour, elle est toute dans un sens ; le lendemain, elle est toute dans l’autre. Hier, elle manifestait à la Grèce une sévérité sans mesure ; aujourd’hui, elle dépasse la mesure dans une préoccupation inverse et exagérée des intérêts helléniques. On peut d’ailleurs se demander si elle comprend bien ces intérêts et si elle les sert utilement en prolongeant une situation dont tout le monde souffre, mais dont la Grèce souffre plus que personne, et cela sans qu’il soit raisonnablement possible d’espérer que le résultat final en soit modifié d’une manière appréciable. Le dénouement s’éloigne, mais il reste le même. Quoi qu’on fasse, il faudra bien que la Grèce affecte une partie de ses revenus à son ancienne dette et à la nouvelle, et il faudra bien aussi que, sous un mode quelconque, un contrôle européen s’exerce sur la perception de ces revenus. S’il en était autrement, la Grèce se trouverait dans l’impossibilité radicale de faire son emprunt. On a raison de mettre tout en œuvre pour adoucir, dans la forme et même dans le fond, ce que ces nécessités ont pour elle de cruel, mais d’inexorable, et si l’Angleterre se bornait à cela, elle aurait avec elle plusieurs autres puissances.

Son action, malheureusement, est tout autre. Elle semble jouer avec la Grèce, l’accablant d’une bienveillance intermittente, coupée par des accès de brutalité, sans qu’on puisse savoir si l’intérêt qu’elle témoigne à son malheureux client ne lui est pas plus onéreux que sa dureté. Nous aimons mieux l’attitude de l’Allemagne. Elle a le mérite d’être nette. Avec l’empereur Guillaume, on sait tout de suite à quoi s’en tenir. À la vérité, il ne prend aucune précaution pour ménager les susceptibilités, ni même quelquefois la dignité d’un vaincu qui conserve les sympathies du monde civilisé, et c’est en quoi il a tort. Mais sa politique a de la fixité ; elle ne change pas tous les huit jours ; on peut traiter, négocier avec elle sans s’exposer à l’inconvénient de la voir se métamorphoser comme un Protée à mesure que les débats se poursuivent. Si elle est rude et un peu brusque, elle a du corps et par-là elle devient saisissable. Il n’en est pas de même de celle de l’Angleterre. Lord Salisbury, après avoir dit tant de mal du sultan, puis avoir montré à son égard une sorte de complaisance, lui a emprunté quelques-uns de ses procédés. Il pratique à son tour, avec une grande maestria, la politique atermoyante et dilatoire. Il possède et pratique à un rare degré l’art de faire renaître toute une question au moment même où on la croyait sur le point d’aboutir et de se dénouer. Avec lui, rien ne