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ensoleillé se déploya. Les rivières dessinaient leurs méandres bleus. Metz apparut, toute blanche, avec son troupeau de maisons, la haute masse de la cathédrale… La ville lorraine souriait toujours, heureuse, dans sa brume dorée.

Du Breuil rejoignait le Quartier général, Plappeville. Il y trouva l’état-major confortablement installé, aux portes d’une jolie maison, réservée au maréchal, et dont on apercevait le toit sous les arbres. Un à un, ses camarades rentraient, rendaient compte. Le 3e corps, à droite du 2e s’établissait fortement, sur le plateau en avant de Châtel-Saint-Germain, appuyé aux fermes de Moscou, Leipsig, la Folie. On commençait à remuer la terre, à créneler les murs. La Garde bivouaquait à Lessy, tout près, entre les forts de Plappeville et de Saint-Quentin. Sa division de cavalerie et celles des généraux de Forton et de Valabrègue s’entassaient dans le ravin de Châtel à Longeau. — « Comme cela, remarquait Floppe, si nos centaures ne peuvent charger, ils sont du moins à l’abri de toute surprise. » Du 4e corps, pas de nouvelles. Décherac arrivait, avec celles du 6e. Le maréchal Canrobert était à Vernéville, mais il s’y trouvait compromis, entouré de bois, et demandait qu’on rectifiât ses emplacemens. Privé de plusieurs régimens dès le début de la campagne, à cause des allées et venues de Châlons à Metz, le 6e corps était en effet le plus faible de tous, ne possédant ni cavalerie, ni mitrailleuses, ni réserves d’artillerie et du génie.

Une heure après, Massoli, dont les cheveux, faute de teinture ces derniers jours, tournaient du noir au gris, se hissait à cheval, tout geignant, pour aller porter au maréchal Canrobert l’autorisation de s’établir à Saint-Privat, avec ordre de se relier à la droite du général de Ladmirault, qui occupait Amanvillers, prolongeant lui-même la ligne du 3e corps.

À ce moment, un des officiers en observation sur le clocher de la cathédrale, vint avertir que de fortes colonnes ennemies passaient depuis plusieurs heures sur les différens ponts de la Moselle, se dirigeant vers Rezonville, par Ars et Novéant. Des avis analogues étaient déjà venus du Saint-Quentin. Nombre de paysans accouraient aussi, annonçant la marche de troupes innombrables… Du Breuil s’étonnait à part lui qu’on n’avertît pas les commandans de corps, qu’on ne prît aucune mesure en prévision de l’attaque, trop certaine… — Pourquoi le maréchal ne visite-t-il pas l’emplacement des troupes ? jeta-t-il. — Les der-