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d’impartialité, ses hautes lumières et sa parfaite bonne foi, chercher ailleurs que dans son histoire si l’on veut comprendre la pensée de Chateaubriand et celle des hommes qui s’associèrent alors à sa politique.

Il était nécessaire d’avoir, pour contrepoids aux assertions des uns et des autres une sorte de journal intime, non destiné à la publicité, qui permît de savoir exactement ce qui s’était passé à Vérone et à Paris quand les ministres étaient revenus du Congrès, avant la discussion à laquelle donnèrent lieu, dans nos Chambres, les crédits demandés pour notre expédition. Le hasard m’a permis de trouver ce que je cherchais dans un ensemble de notes écrites au jour le jour par mon père, alors premier secrétaire de l’ambassade de M. de La Ferronnays, avec lequel il entretint toujours depuis des rapports d’intimité et qu’il avait accompagné à Vérone. J’ai également eu communication d’un travail analogue fait par le comte de Bois-le-Comte, second secrétaire de l’ambassade de M. de La Ferronnays et qui, chaque soir, ainsi qu’il me l’a dit lui-même, mettait par écrit, et quelquefois sous la dictée même de son ambassadeur, les incidens diplomatiques de la journée pendant le Congrès[1]. En retrouvant ces souvenirs, les coordonnant avec la correspondance de notre ambassade à Madrid, déposée aux archives des Affaires étrangères, et les minutes du département, je suis arrivé à des conclusions qui diffèrent quelquefois de celles de M. de Viel-Castel, notamment sur le rôle de Chateaubriand pendant cette période historique. Je crois aujourd’hui que notre illustre écrivain n’a pas été entraîné par son imagination à exagérer son rôle personnel dans l’expédition d’Espagne. La responsabilité lui en appartient pour la plus grande part et si, à certains momens, il en a décliné l’apparence, c’était pour pouvoir mieux assurer le succès de son entreprise.

Mais, avant d’arriver à sa personne et de déterminer la part exacte d’influence qu’il eut dans l’intervention de la France, il est nécessaire de résumer les événemens qui, tant à Madrid qu’à Vienne et à Vérone, modifièrent successivement l’attitude du gouvernement français vis-à-vis de la révolution espagnole et des puissances européennes, et amenèrent l’entrée de Chateaubriand dans le cabinet du roi Louis XVIII.

  1. Mon père et M. de Bois-le-Comte terminèrent tous les deux leur carrière diplomatique comme ambassadeurs de France en Suisse, le premier à la révolution de Juillet, le second à la révolution de Février.