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I. — POLITIQUE GÉNÉRALE DE LA FRANCE ET DES CABINETS ÉTRANGERS VIS-A-VIS DE L’ESPAGNE. — SITUATION INTÉRIEURE DE CE PAYS.

Lorsque le gouvernement français apprit la révolution accomplie à Madrid le 8 mars 1820, le duc de Laval, ambassadeur du roi Louis XVIII en Espagne, se trouvait en congé à Paris. M. Pasquier, ministre des Affaires étrangères dans le second cabinet formé par le duc de Richelieu, pensant que la présence d’un nouvel agent français, investi de pouvoirs étendus, pourrait être utile à ce moment, voulut alors envoyer à Madrid M. de La Tour du Pin, un des plénipotentiaires de la France au congrès de Vienne[1]. « Il aurait eu pour mission d’assister le roi d’Espagne dans la situation difficile où il se trouvait, de l’engager à s’unir franchement avec les hommes modérés du parti libéral, et d’opérer une transaction constitutionnelle monarchique entre le despotisme royal et le parti révolutionnaire. » Ce dessein, qui devait concilier les réformes nécessaires à l’Espagne avec le principe d’autorité qui émane du trône, était non seulement conçu dans l’intérêt de la péninsule, mais aussi dans celui du repos de la France et de l’Europe, que la révolution d’Espagne, livrée à elle-même, ne pouvait manquer de troubler. Une semblable tentative aurait dû surtout plaire à la puissance qui avait donné au monde l’exemple des institutions à la fois monarchiques et libérales et qui, par l’étendue de ses relations commerciales en Espagne, avait intérêt au maintien dans ce pays de l’ordre et de la sécurité. M. Pasquier ne manqua donc pas de faire part de ses intentions à l’ambassadeur d’Angleterre à Paris. Mais, par suite de l’antagonisme, qui a trop souvent et trop longtemps régné entre l’Espagne et la France, sur le terrain politique et commercial, aussitôt que sir Charles Stuart fut averti de l’envoi projeté de M. de La Tour du Pin et du but de sa mission, il ne songea qu’à la contrecarrer. Il n’attendit même pas le retour du courrier qu’il avait dépêché à lord Castlereagh pour l’informer de cette confidence. Sûr de l’approbation de son cabinet, il écrivit immédiatement au frère du duc de Wellington, sir Henry Wellesley, ambassadeur d’Angleterre à Madrid, pour l’engager à miner d’avance, par une prompte publicité et des avis donnés aux chefs

  1. Notice sur le congrès de Vérone, par M. de Bois-le-Comte.