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sous-officiers étaient plus ou moins gagnés par les doctrines révolutionnaires, qu’ils ne marcheraient pas au secours de l’absolutisme menacé. — On répondait que, quels que fussent les sentimens de quelques individus, l’armée réunie et marchant sur un champ de bataille, obéirait toujours aux ordres de ses chefs ; qu’il n’y avait plus alors pour le soldat que son drapeau, qui semblait toujours lui redire ce vieux mot de Henri IV : « Qui m’aime me suive. » D’ailleurs, quelle gloire immense ne serait-ce pas pour la France, pour la légitimité restaurée, si un vieux roi et une jeune armée pouvaient dompter un pays et des habitans devant lesquels les vieilles bandes de Napoléon avaient reculé toutes frémissantes !

On parlait de l’intervention anglaise. On disait que l’Angleterre s’était trop avancée par ses notes, qu’elle avait, du reste, trop d’intérêts commerciaux engagés dans la question pour permettre notre expédition et qu’elle nous ferait la guerre plutôt que de reculer. — On répondait que l’Angleterre n’oserait jamais nous attaquer tant que la Russie se montrerait aussi franchement en notre faveur qu’elle le faisait en ce moment ; que, du reste, il ne fallait pas juger l’Angleterre d’après lord Castlereagh, qu’il y avait chez elle un parti considérable qui ferait des vœux pour le succès de nos armes et que, si nous combattions franchement la révolution, le gouvernement anglais n’oserait jamais se mettre en travers.

Enfin, les partisans de la guerre et l’un d’eux notamment (Chateaubriand), examinant la question au point de vue de l’influence nationale et de la stabilité du trône, disaient que la France, depuis 1815, semblait obéir sans examen à tous les ordres de l’alliance et qu’il était bon de montrer une fois pour toutes aux yeux de l’Europe qu’elle voulait aussi peser de tout son poids dans les affaires du monde. Il y avait pour la légitimité un intérêt capital à reprendre à l’extérieur une influence qui atténuât le reproche d’avoir été imposée à la France par les baïonnettes étrangères. Il fallait, chez une nation aussi jalouse de sa gloire et de son indépendance que la nation française, consolider, par l’éclat extérieur du trône, sa force à l’intérieur ; et, après ces coups de canon de l’Empire qu’entendrait la dernière postérité, si le drapeau blanc paraissait devant l’ennemi avec éclat, le pays tout entier serait fier et heureux de retrouver une gloire semblable, sans la payer aussi cher.

M. de La Ferronnays, complétant la pensée de Chateaubriand, ajoutait que, militairement parlant et par suite de la