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obstacles que ceux qui tiennent à la géographie politique. Ils sont de même souche, de même race sans doute et, si l’on veut, de même famille, mais ils ne parlent pas la même langue. Point n’est besoin pour qu’ils ne s’entendent pas de faire venir deux interlocuteurs des extrémités de l’empire : dans la même série et, puisqu’il s’agit de famille, dans des branches collatérales, c’est à peine s’ils se comprennent ; et l’on voit, pour ne citer qu’un trait significatif, des Polonais très instruits qui ne font que deviner par-ci par-là quelques mots de tchèque.

De cette diversité même il résulte que chaque nationalité et fraction de nationalité veut employer pour les actes de sa vie publique et faire reconnaître sa langue, qui est à elle, mais qui n’est pas aux autres ; et il résulte de cette prétention que l’Autriche-Hongrie, de même qu’elle est et parce qu’elle est un pays de huit ou dix nationalités, est un pays de cinq ou six langues. Il y a, en Autriche-Hongrie, un « droit des langues », qui régit en Autriche les rapports de l’allemand avec le polonais ou le tchèque, et pour la conquête duquel les Slovènes et les Italiens se remuent ; qui régit en Hongrie les rapports du magyar avec le dialecte croato-serbe, et dont les Roumains de Transylvanie revendiquent, eux aussi, le bénéfice.

Mais tous ces peuples différens de race et de langue, un lien qui ailleurs est si fort, le lien religieux, lui du moins, les rattache-t-il ? Nullement. Les catholiques sont, il est vrai, en nombre infiniment plus grand que les fidèles des autres confessions : 28 740 000 pour l’ensemble de la monarchie, dont ils occupent plus de la moitié, toute la partie occidentale où, dans leur masse, n’émergent guère que quelques petits centres protestans. Mais voici on Hongrie, au-delà de la Theiss et déjà sur la rive gauche du Danube, trois ou quatre régions où dominent les protestans, calvinistes pour la plupart, au nombre de 4 025 000. Les Grecs ont le nord-est, l’est et le sud ; mais il y en a de deux espèces : les Grecs unis, que la liturgie seule et la discipline distinguent des catholiques proprement dits, et non le dogme ou le symbole, qui sont ainsi plutôt des catholiques que des Grecs : en Galicie et en Transylvanie, on en a recensé 4 527 000 ; les Grecs orthodoxes qui sont, en y comprenant ceux de Bosnie et d’Herzégovine, 3 825 000. Ajoutez 1 920 000 Israélites, répandus, de l’est à l’ouest, sur la surface entière de l’empire, mais inégalement et de telle sorte que, s’il y a des villes, dans l’ouest, où ils ne représentent