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en Angleterre en est la preuve. Cette diminution de la fécondité britannique est, comme on l’a vu plus haut, incontestable ; tous les auteurs sérieux en tombent d’accord. La chute de la natalité britannique du taux de 35 à 36 pour 1 000 habitans, il y a un quart de siècle, à moins de 30 pour 1 000, aujourd’hui, est attribuée par M. Nitti aux prédications d’un certain nombre de prétendus philanthropes qui s’intitulent malthusiens ou néo-malthusiens, quoiqu’ils conseillent des pratiques que Malthus repoussait avec horreur ; ces propagandistes de la stérilité conjugale sont surtout M. Charles Bradlaugh et Mme Annie Besant, qui, depuis, serait revenue à des sentimens différens. Ils conseillaient, plus ou moins directement et complètement les manœuvres qui, — il faut bien le dire, — sont usitées dans les pays où la fécondité conjugale, prise dans son ensemble, est faible. Certains théoriciens, qui se couvrent abusivement du personnage du vertueux Malthus, ami seulement de la chasteté, ont écrit de véritables traités à ce sujet[1]. Nous ne croyons pas que les exhortations, livres et conférences de M. Bradlaugh et de Mme Besant aient pu avoir une action si profonde sur la population anglaise. Mais un groupement social d’une singulière importance a contribué et contribue chaque jour davantage, par son esprit général et sa propagande, à réduire la fécondité britannique : ce sont les Trades-Unions. L’idéal démocratique qu’elles se proposent, et qui consiste dans la hausse des salaires, la réduction du nombre des apprentis, l’ascension de la classe ouvrière à la situation de la bourgeoisie, est en opposition avec la fécondité. Un économiste anglais contemporain très perspicace, M. Marshall, après avoir reconnu que le recensement de 1891 a constaté une diminution sensible du taux de l’accroissement de la population en Angleterre, a great falling off in the rate of increase of the population in England, en trouve les causes dans les dispositions nouvelles des artisans britanniques, analogues à celles des artisans des États-Unis ; l’ouvrier anglo-saxon d’élite cherche à se soustraire aux charges d’une famille nombreuse. Les Trades-Unions contribuèrent de plus en plus à répandre cet état d’esprit.

C’est une erreur, à notre sens, de croire que la stérilité systématique se rencontre surtout dans les classes opulentes ; les

  1. Voir notamment l’ouvrage anonyme intitulé : Élémens de science sociale ou Religion physique, sexuelle et naturelle, par un docteur en médecine, traduit sur la 7e édition anglaise, Londres, 1869.