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Intérieure, en même temps que l’auxiliaire des Églises officielles, en était l’accusatrice. Et le théologien Paul de Lagarde, un peu plus tard, écrivait de son côté, non sans ironie : « La doctrine fondamentale de Luther est si oubliée, que les ecclésiastiques protestans sérieux ne se font supporter, dans leurs communautés, que par de bonnes œuvres. » Il est à souhaiter, pour la vitalité de l’établissement évangélique, que Paul de Lagarde ait raison à l’encontre de Rodolphe Todt.


IV

Indépendance à l’égard de l’Etat, sentiment très vif et très ardent de la fraternité des croyans, exercice actif de la charité et des bonnes œuvres : ce sont là trois avantages qu’une élite d’âmes pieuses se complaît à rencontrer dans certaines communautés évangéliques qui sont comme de petites églises au milieu de la grande, et dans les sectes, qui sont comme de petites églises hors de l’Église. Ce mouvement centrifuge, qui pousse ces âmes à chercher sur les confins de l’établissement officiel, ou même hors de ces confins, une vie chrétienne plus intense, s’inaugura dès la fin du XVIIe siècle. Spener et Franke, qui furent à cette époque les deux saints de la Réforme, pouvaient être considérés, le premier surtout, comme des façons de schismatiques : c’est par des réunions privées d’édification mutuelle, les collegia pietatis, qu’ils renouvelaient parmi leurs coreligionnaires l’esprit chrétien desséché ; mais c’est contre le gré des autorités religieuses et civiles que certaines de ces réunions purent se perpétuer. Urlsperger, à la fin du XVIIIe siècle, exposait aux protestans de la région d’Elberfeld que « c’est un devoir, en face de l’incroyance qui progresse, de conserver au moins dans des cercles plus étroits le symbole évangélique, de se mettre en garde contre la pénétration de la corruption morale, et de cimenter plus solidement, par des rapprochemens confraternels, les liens de la charité chrétienne » : il annonçait, par ce manifeste, la fondation de la Société du christianisme, association libre de chrétiens évangéliques. C’est aussi par la création de communautés spéciales que les mystiques qu’on a dénommés « les Pères du Wurtemberg » satisfaisaient et communiquaient l’édifiante ardeur de leurs consciences ; et les consistoires invoquaient la rigueur du pouvoir public contre les visées séparatistes dont on soupçonnait ces belles âmes. Mais au