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à une vie à demi passive et sédentaire, n’ont qu’exceptionnellement l’esprit d’entreprise et d’aventure, l’endurance et la persévérance qui caractérisaient leurs lointains ancêtres et que possèdent aujourd’hui les fils des prolifiques familles allemandes. La France tend de plus en plus à devenir un peuple de petits et de moyens rentiers.

Pour remédier à ce mal, il s’est fondé récemment une ligue des plus estimables qui a à sa tête des médecins distingués, dont plusieurs se sont occupés des sciences économiques et sociales. Ils proposent différens moyens, dont les chances de succès sont très inégales. C’est d’abord et surtout aux procédés fiscaux qu’ils veulent recourir. Le célibataire ou l’homme sans enfans sera châtié par le fisc, l’homme ayant beaucoup d’enfans sera exonéré et récompensé par lui. Il peut y avoir dans une réforme de la fiscalité, qui tiendrait compte des charges de la famille, un retour à l’équité, et en ce sens nous y applaudirions. Mais on ne peut compter sur la contrainte pour porter les hommes à faire des enfans. Aussi les impôts frappant spécialement les célibataires et les ménages sans postérité nous semblent un expédient aussi frivole que vexatoire. Si l’on comptait s’en servir pour allouer des primes aux ménages ayant un nombre élevé d’enfans, l’Etat prendrait ainsi une responsabilité considérable qui aurait de grands inconvéniens ; et, s’il voulait agir dans des proportions qui ne fussent pas infinitésimales, il risquerait, en outre, de détruire ses finances. Pour allouer une annuité, ne serait-ce que de 50 centimes par jour, soit 182 fr. 50, par an à 100 000 enfans jusqu’à leur quinzième année par exemple, il faudrait, au moment où l’opération produirait tous ses effets, une annuité de 273 750 000 francs. Si l’on voulait ainsi, artificiellement et par des primes d’Etat à la viriculture, porter le chiffre de notre natalité au niveau anglais, — en supposant qu’on y pût réussir par ce moyen ; c’est-à-dire au lieu de 850 000 naissances par année si l’on voulait en obtenir 1 175 000, ce système d’allocation de 50 centimes par jour jusqu’à l’expiration de la quinzième année entraînerait une dépense annuelle de plus de 1 milliard de francs. Et si l’on prétendait pousser la natalité française par ces subventions au taux allemand, c’est-à-dire la hausser de 22 pour 1 000 habitans à 37 et demi, cette allocation de 50 centimes par jour jusqu’à la quinzième année pour tout enfant vivant dépassant par famille le chiffre de deux par exemple, coûterait probablement plus de 1 milliard et