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mince. Bien peu d’hommes tombent de notre côté, et lorsque nous avançons, les cadavres grecs n’apparaissent que rarement. Quant aux blessés des adversaires, ils ont été rapidement enlevés ; les ambulances sont chez eux, semble-t-il, mieux organisées que chez les Turcs. Vers deux heures, nous entendons des cris, un mouvement de recul se produit dans un bataillon de volontaires albanais. Séfoulah-Pacha, un petit homme actif, trapu, monté sur un cheval très vif, leur adresse des reproches en un langage qui doit être énergique. Les hommes répondent très nettement : « Nous voulons bien y aller si tu y vas. » Et alors Séfoulah-Pacha « y va » très crânement, et enlève la bande.

Enfin cette ligne de hauteurs est emportée ; le bataillon albanais pénètre dans le petit village de Tatari et y met le feu ; d’autres villages brûlent également à droite et à gauche. Devant nous s’étend une large vallée au milieu de laquelle coule une petite rivière. Un pont franchit cette rivière, le chemin de fer apparaît un peu en arrière, avec une station qui fait une tache blanche, et de cette station une route empierrée toute droite, d’une demi-lieue, conduit à Pharsale.

C’est la seconde phase de la bataille. L’artillerie recommence à tonner. Trois fois de suite celle des Grecs reprend position, répond aux pièces turques dont le tir paraît d’ailleurs beaucoup mieux réglé. D’ailleurs, un certain nombre d’obus hellènes n’éclatent pas, bien que la terre soit très sèche. On se croirait en manœuvres, avec une leçon réglée à l’avance… « A deux heures, les troupes grecques se trouvant dépassées sur la droite abandonneront les positions qui défendent le côté nord de la plaine de Pharsale. Sans essayer de défendre le côté sud, elles opéreront leur retraite en bon ordre sur Domokos, leur arrière-garde continuant à combattre pour couvrir cette retraite. » Cependant, en avant du pont, il y a un engagement assez chaud. Mais pourquoi ce pont n’est-il pas coupé ? Plus loin, les Grecs défendent encore avec énergie des épaulemens dressés à la hâte, et enfin, devant la gare, après un long silence, la fusillade éclate, très vive. Une compagnie hellène a blindé les fenêtres de la station et les bâtimens voisins, attendu l’ennemi à 40 mètres, et commencé un feu roulant. Les Turcs ne fléchissent pas, ils sont solides, mais ne mettent pas baïonnette au canon, ce qu’une troupe européenne aurait fait probablement. Ils s’abritent, attendent du renfort, triplent leur feu, et rendent la place intenable. Alors les Grecs