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arrivaient en vue de Somia, après une marche très dure et un combat assez vif, et des parlementaires hellènes, tandis qu’on apercevait l’armée du prince Constantin en retraite vers les Thermopyles, venaient apporter aux vainqueurs la nouvelle de la signature de l’armistice, demandant en conséquence l’arrêt immédiat des hostilités. La guerre était finie.


Peut-on tirer quelque enseignement des spectacles que j’ai eus sous les yeux ? Je n’ai nulle qualité pour juger les opérations militaires, et on ne s’attend pas que j’assume cette audace et cette responsabilité. Au point de vue stratégique, on a critiqué la campagne de Thessalie : et si, en effet, le plan primitif était de couper aux Grecs les routes de Lamia et de Volo, il faut reconnaître que ce plan n’a pas été exécuté. De plus, les victoires turques ont été rendues faciles par l’impéritie de l’adversaire : on a dit que l’héroïque défense des Danois contre la Prusse en 1864 avait fait mésestimer par l’Europe la force réelle des armées allemandes, obligées de faire un effort considérable pour venir à bout d’un petit État dont on n’attendait nulle résistance. Peut-être serait-ce le contraire pour l’armée turque : elle a triomphé trop aisément. C’est ainsi, affirme-t-on, qu’à la bataille de Domokos, les Hellènes auraient pu à un certain moment enfoncer le front mal soutenu de leurs adversaires. Il ne m’appartient pas de décider de ces questions, qui ne sont pas de mon ressort. Seulement il faut avouer que la Turquie ne peut pas plus vaincre complètement qu’être complètement écrasée : ainsi le veut l’Europe ; et il est possible que ce fait, qu’il ne faut jamais oublier, ait influé sur les décisions d’Edhem-Pacha.

D’autres d’ailleurs discuteront ces questions. Quant aux « atrocités » qu’aurait commises l’armée ottomane, viols, assassinats, massacres, ces atrocités n’ont pas eu lieu, par l’excellente raison que la population tout entière s’était réfugiée en Grèce et qu’il ne restait pas un Grec en Thessalie sur le passage des troupes ottomanes. Celles-ci ont pillé les maisons abandonnées par leurs propriétaires, et elles auraient mieux fait de les respecter. Mais d’autres troupes, et de plus « civilisées », ne l’ont point fait. Les grandes villes, Trikhala, Larissa et Volo, n’ont pas souffert d’un seul incendie. A Volo, on n’a pas touché à un bouton de porte. Quant aux bourgs ou aux villages dans lesquels on s’est battu, ils ont été brûlés. Telle est l’exacte vérité.