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demandé, qu’il n’avait rien promis, qu’il n’avait fait aucune concession ; et cela est si vrai que les membres les plus ardens de la droite, ceux qui se souviennent encore des anciennes batailles et qui continuent d’en respirer l’ardeur, reprochent volontiers à leurs amis de n’avoir pas su faire valoir leur concours, de l’avoir donné sans condition, de n’avoir rien obtenu en échange. Mais était-ce bien l’occasion de marchander ? Était-ce bien le moment d’élever des prétentions qui n’auraient probablement pas pu être admises ? Etait-il opportun de rechercher dans le passé ce qui pouvait encore diviser, au lieu de voir dans le présent ce qui devait rapprocher ? La droite de la Chambre ne l’a pas cru, et il faut l’en féliciter.

M. Méline rappelle qu’au moment où il a formé son ministère, il a proposé aux partis une trêve jusqu’aux élections prochaines. Peut-être n’avait-il pas une confiance exagérée dans le succès de sa proposition. Quoi qu’il en soit, les radicaux et les socialistes lui ont répondu par un redoublement de colère et par une déclaration de guerre immédiate, sans répit, sans merci. La droite, au contraire, a accepté cette trêve, qui a été observée vis-à-vis d’elle comme elle l’observait pour sa part. Sur le terrain religieux, celui où ses susceptibilités sont en ce moment les plus vives, le gouvernement, quoi qu’en disent les radicaux et les socialistes, n’a eu aucune défaillance ; mais il s’est sagement abstenu de tout ce qui pouvait être taxé d’hostilité. « Nous défendons, a dit M. Méline, avec la même énergie que les cabinets précédens, les prérogatives et les droits de la société civile, et nous n’hésitons pas à arrêter les membres du clergé quand ils les méconnaissent, ou quand ils compromettent leur autorité et leur caractère en sortant de leur domaine pour faire invasion dans la politique. La seule chose que nous nous refusions à faire, c’est de déclarer la guerre à l’idée religieuse, parce que, si la France n’est pas cléricale, elle est dans sa grande majorité très tolérante : nous témoignons pour la religion d’un respect sincère, et c’est là ce qui offusque le plus certain parti qui la considère comme un reste de servitude qu’il faut extirper. Au lieu de la guerre, nous poursuivons l’apaisement dans le domaine religieux. L’histoire ne nous apprend-elle pas que les querelles religieuses sont toujours, à l’intérieur et à l’extérieur, une cause d’affaiblissement ? » Ces déclarations sont importantes. Sans doute les gouvernemens antérieurs n’en avaient point fait de contraires ; ils n’avaient point dit qu’ils n’avaient aucun respect pour la religion, mais ils avaient quelquefois donné à le croire ; ils n’avaient point dit qu’il fallait l’extirper comme un reste de servitude, mais on avait pu conclure d’après leur conduite que tel