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Révolution, c’est-à-dire à l’âge d’or de l’agiotage, les affaires étaient, presque entièrement, entre des mains chrétiennes ou aryennes ; si les financiers étrangers commençaient à affluer à Paris, c’étaient surtout des protestans, accourus de Suisse ou de Hollande. Quand nous remettrions en vigueur les édits de Philippe le Bel, de Jean sans Terre ou d’Isabelle la Catholique, ou quand les « sionistes », las d’habiter parmi les gentils, réussiraient à entraîner tous les descendans de Jacob dans l’ancienne Palestine, la spéculation, en changeant de personnel, ne changerait pas de caractère ; car ce qui règne à la Bourse, ce n’est pas plus l’esprit de la Thorah que l’esprit de l’Evangile. Pour purifier les maisons de jeu, a-t-il jamais suffi de changer les croupiers ? Ce ne sont pas les personnes qu’il faudrait changer ; ce sont les pratiques et les mœurs, c’est-à-dire les sentimens et les âmes ; et c’est chose autrement malaisée. Cela ne peut se faire par décret, ni par règlement d’administration.

Est-ce à dire que la loi ne puisse, en aucun cas, atteindre les abus de la spéculation, ou au moins, les coquineries des pseudo-banquiers de la basse finance ? qu’il n’y ait, de ce côté, aucune réforme à demander au législateur ou aux règlemens administratifs ? Non certes. On se préoccupe beaucoup, en plusieurs pays, de réglementer les affaires de Bourse ; c’est, en quelque sorte, une réforme à la mode. L’Allemagne, l’Autriche, la Russie même y ont presque simultanément mis la main. C’est une œuvre malaisée ; nous ne saurions dire encore si aucun de ces États y a réussi ; l’avenir seul en décidera. L’Allemagne, en particulier, s’est arrêtée à un règlement fort compliqué qui déterminé, minutieusement, quelles catégories de personnes peuvent être admises à la Bourse et quelles sortes d’affaires peuvent y être traitées. Le marché à terme n’est ouvert, dans chaque branche d’affaires, qu’aux personnes inscrites sur un rôle spécial, et cela moyennant un droit d’inscription relativement élevé. On se flatte, par-là, d’écarter les spéculateurs étrangers aux affaires ; mais il leur sera toujours facile de trouver des prête-noms. À en juger par la Bourse de Berlin, cette prescription sur les opérations à terme, si elle diminue le nombre des affaires, tend à les concentrer dans les grandes banques, c’est-à-dire qu’elle tourne au profit de la haute finance. Chaque Bourse allemande est pourvue d’un conseil de discipline, assisté d’un commissaire du gouvernement ; ce conseil doit sévir contre les spéculateurs coupables d’agissemens