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à débusquer de Sombreffe ou de Gembloux, on allait avoir à combattre au nord de Fleurus l’armée prussienne tout entière ; et, Blücher et Wellington devant apparemment opérer de concert, on rencontrerait les Anglais en forces sur la route de Bruxelles.

C’était le renversement du plan conçu par l’Empereur. Il ne pouvait battre dans la journée l’armée de Blücher à droite, culbuter dans la soirée l’armée de Wellington à gauche, et marcher dans la nuit sur Bruxelles. L’Empereur cependant ne fut point déconcerté. Chez lui, les présomptions se changeaient vite en certitudes. Quand il avait supposé une chose, cette chose devait être telle qu’il l’avait supposée. La Fortune avait si souvent donné raison à ses prévisions ! Le matin du 16 juin, il croyait Blücher en retraite, et la route de Bruxelles libre ; donc, Blücher était en retraite, et la route de Bruxelles était libre. Les mouvemens signalés par Grouchy ne pouvaient être que des démonstrations en vue de donner le change. On aurait bon marché de ces quelques régimens prussiens, simple rideau destiné à masquer la retraite du gros de leur armée. Il semblait d’ailleurs que ce fût l’opinion de Grouchy lui-même, car, dans la lettre où il mentionnait l’apparition de colonnes ennemies vers Saint-Amand, il annonçait qu’il réunissait ses troupes pour marcher sur Sombreffe, selon les ordres de la veille. Si Grouchy avait cru à la concentration de l’armée de Blücher à l’ouest de Sombreffe, il n’aurait pas entrepris un mouvement sur cette position, au risque de subir une désastreuse attaque de flanc.

L’Empereur ne modifia donc pas ses ordres. Loin d’y rien changer, il écrivit vers 8 heures à Ney et à Grouchy pour les réitérer et en hâter l’exécution. Sachant ses aides de camp mieux montés que les officiers du major-général, il confia l’une de ces lettres à Flahaut, l’autre à Labédoyère ; il espérait que de cette façon ses deux lieutenans recevraient ses instructions itératives avant celles mêmes qui venaient de leur être expédiées par Soult. Dans ces duplicatas, l’Empereur s’étendait davantage sur quelques détails d’exécution et révélait, ce dont Soult s’était abstenu, que le but du double mouvement sur Sombreffe et les Quatre-Bras était une marche de nuit vers Bruxelles.

Entre 9 et 10 heures du matin, comme l’Empereur allait partir pour Fleurus, un officier de lanciers arriva de l’aile gauche et dit que « l’ennemi présentait des masses du côté des Quatre-Bras. » L’Empereur, craignant que la présence de ces prétendues masses