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supprimer le ballottage, qui favorise les coalitions, en s’en tenant, comme en Angleterre, à la majorité pure et simple du premier tour de scrutin. » Il condamnait également les candidatures multiples : « Il faudra interdire la présentation d’un même candidat dans plusieurs circonscriptions, ce qui ne peut profiter qu’aux ennemis de l’Etat. »

Ces hommes, qui redoutaient les agitations politiques, parurent n’avoir d’autre souci que de les prolonger : ils maintinrent les scrutins de deux jours. On dit, pour expliquer ce qui autrement eût paru une inconcevable impéritie, que c’était pour se donner la facilité d’altérer les bulletins pendant la nuit !

On ne se préoccupa point de tous ces inconvéniens ; on ne les aperçut même pas, tant on était convaincu d’avoir trouvé la panacée infaillible dans le système des candidatures officielles. Les gouvernemens parlementaires avaient plus ou moins ouvertement appuyé les candidats dévoués à leur politique ; le nouveau gouvernement résolut de faire de la désignation des candidats un acte de l’autorité publique. Auguste envoyait aux tribus l’ordre de nommer tel ou tel ; on ferait de même. Une affiche blanche notifierait aux électeurs le choix de l’Etat ; ceux qui résisteraient seraient traités en rebelles.

Le décret sur la presse (17 février 1852) ne se bornait pas à soumettre les écrits périodiques au timbre et au cautionnement, à déférer leurs délits aux tribunaux correctionnels, ce qui avait été fait maintes fois antérieurement, il instituait un système nouveau de discipline discrétionnaire. Un journal ne pouvait être publié sans autorisation préalable ; il pouvait être supprimé par un décret spécial du Président et suspendu par décision ministérielle pendant deux mois, après deux avertissemens motivés.

Le policier Maupas se pâme d’admiration devant ce décret : « Napoléon III n’aurait jamais dû en sortir, dit-il, sauf à en modérer les rigueurs et à en élargir les tolérances ! » Tel n’était pas l’avis de l’inventeur même du système : « En proposant, en 1852, le régime des avertissemens, j’étais loin de songer à supprimer le droit de discussion, j’étais loin surtout de proposer ce régime comme une institution durable. C’est qu’en effet, si je connais les dangers de la licence de la presse, je connais aussi les périls du pouvoir arbitraire sur elle, si ce pouvoir venait à tomber dans des mains vulgaires. »