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solution ne peut être la même dans un pays, pacifique par nécessité physique ou morale et dans un autre, obligé à un grand état militaire pour sauvegarder son existence nationale ; dans une nation où existe une seule famille royale généralement acceptée et dans celle où plusieurs prétendans se disputent le trône ; dans une société saine et unie et dans une autre corrompue et déchirée par les factions.

Des républicains tels que les deux premiers Carnot, Lafayette, Benjamin Constant, Manin se sont arrangés de la monarchie ; des monarchistes tels que Guizot et Victor de Broglie se sont défendus d’opposer un irrévocable veto à la république. Guizot, bien qu’aimant mieux la monarchie constitutionnelle, « savait que la république peut être un bon et beau gouvernement, dont, pour son compte, il s’arrangerait très bien[1]. » Victor de Broglie a fait mieux : il a esquissé l’organisation d’une république, qui est devenue celle de 1875.

Le seul principe certain, en une matière où il n’y a point de principes, est que nul n’a le droit d’imposer ou d’interdire la monarchie ou la république.

Les monarchistes ont les premiers tenté cette tyrannie au profit des anciens Bourbons, ces créateurs en France du despotisme sous toutes les formes, en soutenant que la monarchie est de droit divin. Les républicains ont riposté en plaçant la république au-dessus du suffrage universel.

Ces propositions sont également impertinentes. L’hypothèse d’une intervention divine, spéciale, au profit d’un gouvernement humain quelconque est une impiété ; la prétention de refuser à une nation le droit de se lier à une dynastie de son choix, une extravagance.

Un peuple ne rend pas innocent tout ce qu’il fait et légitime tout ce qu’il décrète ; ses scrutins n’ont pas d’autorité contre la justice et contre le droit ; mais dans la détermination des formes politiques de son existence nationale la souveraineté de sa volonté ne se heurte à aucune prohibition de la justice et du droit, et nul parti ne saurait prétendre à le soumettre de force à un gouvernement dont il ne veut pas.

  1. A Piscatory, 8 juillet 1850.