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pour résultat que de hâter la constitution de l’Empire autoritaire.

Cet empire existe à partir du Sénatus-Consulte du 25 décembre 1852 avec tous ses organes essentiels. A la base, un suffrage universel soumis et, si ce n’est dans une imperceptible minorité, satisfait de l’être, considérant les candidatures officielles comme un service qu’on lui rend, non comme une oppression qu’on lui impose. Au sommet, un Empereur omnipotent, mais l’oreille toujours tendue à ce qui se remue dans les profondeurs d’où son pouvoir a surgi, et décidé à être le serviteur de ceux qui l’ont choisi pour maître. Entre les deux, un corps législatif docile, mais éclairé et honnête, un sénat indépendant, puisqu’il était inamovible, et investi d’une autorité considérable. Une armée fidèle, fière d’avoir retrouvé ses aigles, vaillante et désireuse de nouvelles gloires. Dans nos campagnes et dans nos villes, un peuple de travailleurs, jouissant du bonheur de ne plus trembler et de vivre sûr de son lendemain.


XI

Il manquait à l’Empire une Impératrice. Les conseillers de l’Empereur, tourmentés de la crainte que la courtisane anglaise d’une merveilleuse beauté, miss Howard, venue de Londres pour s’associer aux hasards du Prince, ne se fît épouser, s’empressaient à chercher partout une femme. Qui pensait à une princesse Wasa ; qui à une nièce de la reine Victoria. Pendant qu’ils s’agitaient, le Prince, sans les consulter, choisissait la comtesse de Montijo.

Le père de Mlle de Montijo, comte de Teba, frère cadet du comte de Montijo, colonel d’artillerie au service de la France, avait perdu un œil à la bataille de Salamanque ; en 1814, à la défense de Paris, il commanda avec honneur les élèves de l’École polytechnique. Il épousa Mlle Marie Manuela de Kirkpatrick, qu’il avait rencontrée à Paris chez Mathieu de Lesseps. La comtesse de Teba étonnait et charmait par sa grâce, l’activité de son esprit, la vivacité de sa conversation, l’étendue de ses connaissances. Son esprit ouvert, curieux, comprenait tout et s’intéressait à tout[1]. Elle eut deux filles : la seconde, Eugénia, naquit le 5 mai 1826, à Grenade, pendant un tremblement de

  1. Augustin Filon, Mérimée et ses amis.