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en proportion : là où on fabriquait 10 000 kilogrammes, on en fabrique 100 000 et plus, qui se vendent pour la même somme, ou à meilleur marché, que les 10 000 d’autrefois.

L’industrie des produits chimiques en Allemagne, malgré l’avance considérable qu’elle a prise sur celle de tous les autres pays, ne s’endort cependant pas dans la confiance que pourrait lui inspirer cette situation : elle ne cesse de travailler à des perfectionnemens nouveaux. Elle sait que ses brevets vont successivement tomber dans le domaine public, que l’industrie se concentrera dans la fabrication d’un petit nombre de couleurs essentielles ; mais elle a conscience de la force que lui donne l’organisation puissante, tant au point de vue industriel que scientifique, de ses usines, l’importance des capitaux disponibles, des réserves faites, des amortissemens opérés. Elle sait que, si l’industrie de la soude par exemple ne s’est pas développée en Allemagne autant que celle des couleurs, — et cependant elle est loin d’y être restée stationnaire, — c’est que l’Angleterre avait des installations considérables, une organisation déjà ancienne, contre laquelle il est plus difficile de lutter. Ludwig Mond, d’ailleurs Allemand de naissance, élève de Bunsen, a en quelque sorte monopolisé l’industrie de la soude à Londres, d’où il est en relations avec le monde entier. Vers le milieu du siècle, l’industrie des couleurs semblait devoir se concentrer en Angleterre et en France, où Verguin découvrait la fuchsine et Lauth, le violet de diméthyl-aniline en 1859 ; Girard et de Laire, le bleu d’aniline, en 1860 ; Roussin, les couleurs azoïques, en 1876. Mais ce sont les Allemands qui, profitant de toutes ces découvertes, ont créé l’industrie puissante qui se peint en quatre chiffres : la production annuelle en Europe des dérivés du goudron de houille représente aujourd’hui une valeur de 125 millions de francs, qui se répartissent comme suit : Allemagne : 90 millions ; Suisse : 16 millions ; France : 10 millions ; Angleterre : 9 millions.

L’industrie de la soude, bien que moins brillante en Allemagne que celle des couleurs et produits chimiques proprement dits, n’en présente pas moins le spectacle d’un développement considérable depuis vingt-cinq ans. M. Robert Hasenclever, dans un rapport présenté en 1895 à la Société allemande de chimie, le résumait en l’attribuant avant tout à un système de travail plus rationnel, à une politique douanière plus stable, à la nouvelle loi sur les brevets et au concours apporté par les ingénieurs à la fabrication.