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aucune des vérités que l’Écriture enseigne, et, comme il écrit en anglais, il s’approprie sur ce sujet les paroles de M. Gladstone : « Supposons pour un moment qu’on ait trouvé, ou qu’on puisse attendre des progrès futurs de la science, la démonstration que les formes rudimentaires de la vie ont évolué de la matière non vivante comme d’un antécédent immédiat. Quelle affirmation de la sainte Écriture se trouverait infirmée par ce fait ? Qu’en résulterait-il, sinon que certaines substances ont reçu le pouvoir, quand elles se trouvent placées dans de certaines combinaisons, de se manifester sous des formes vivantes, auxquelles manquent d’ailleurs les plus nobles prérogatives de la vie ? » L’origine animale ou simienne de l’homme, s’il fallait se résigner à la reconnaître un jour, ne paraît pas davantage incompatible au Père Zahm avec ce qu’on lit dans la Genèse, et, ici, ce sont ces paroles de Ruskin qu’il reproduit : « Que votre créateur vous ait formé de ses doigts ou avec un instrument, comme un sculpteur travaille la terre glaise, ou qu’il vous ait élevé à l’humanité à travers une série de formes inférieures, cela vous importe seulement en ce que, dans le premier cas, vous ne pouvez espérer que vos enfans soient de plus nobles créatures que vous, et que, dans l’autre, chacun de vos actes, chacune de vos pensées dans votre vie présente, peut hâter l’avènement d’une espèce qui vous regardera, vos ancêtres et vous, avec un incrédule dédain ; — et vous devez avoir la dignité de désirer qu’il en soit ainsi. » Ruskin a raison ! et, si nous sommes sincères, ce n’est pas la foi, ni la Bible, qui nous feraient trouver quelque chose d’humiliant à descendre du singe, et par le singe d’on ne sait quel ancêtre moins aristocratique encore ; c’est notre orgueil de « rationalistes », c’est notre vanité de « gens du monde », ce sont nos préjugés « d’artistes ». Nous voulons être d’une autre essence ! Nous refusons de reconnaître nos vices dans le miroir que la nature de l’animal nous présente ! Et le Père Zahm, prenant enfin la parole à son tour, conclut très nettement que, bien loin d’être « une philosophie de boue ou un Évangile de fange, ainsi qu’on l’a nommée, l’Evolution se trouve être l’utile et la puissante alliée du dogme catholique, lorsqu’on la prend comme il faut la prendre ; … que, bien loin de faire descendre l’homme de sa haute situation, elle l’y établit plus solidement, en vertu du plus noble des titres ; … et qu’enfin, après avoir rehaussé l’idée que nous nous faisons de Dieu et de l’homme, elle nous permet de découvrir de nouvelles beautés et de nouvelles leçons dans un monde que l’agnosticisme