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LES ÉTAPES DE JEANNE D’ARC
[24 FÉVRIER 1428 — 30 MAI 1431]

Il y a tant de ressemblance entre l’histoire de Jeanne d’Arc et l’autre tradition chère au monde chrétien, qu’on peut dire que l’une fait naturellement suite à l’autre. Aussi bien, elle en procède tout entière, comme issue de la profonde foi chrétienne qui animait Jeanne ; et sans l’idée chrétienne, l’existence d’une Jeanne d’Arc devient impossible.

Elle était née dans la nuit du 5 janvier 1411. Dès son enfance, elle s’initiait et s’exaltait dans les sentimens religieux les plus hauts et les plus purs, grâce à l’influence de sa mère, grande croyante sans doute, cœur droit et compatissant. Sachant peu, la paysanne comprenait toute chose, grâce à son cœur ; elle n’apprit à Jeanne, comme celle-ci l’a déclaré naïvement durant son interrogatoire, que trois prières : l’Ave, le Pater et le Credo ; mais, en revanche, elle lui apprit cette sympathie pour toute douleur que les subtilités des Églises ne nous apprennent pas toujours. Dès l’enfance donc, Jeanne visitait les malades, secourait les pauvres, ou, cédant son lit aux voyageurs, s’en allait dormir au grenier ou dans le hangar.

Autre influence : Jeanne grandit au milieu des mythes celtiques, jusqu’alors vivaces en Lorraine. Enchantement des arbres et des fontaines, fées, visions, vieilles prophéties, ces traditions populaires jointes aux légendes chrétiennes, à la vie des saints et des martyrs, ont fait toute son éducation. Une ancienne prédiction de Merlin (très obscure) annonçait entre autres choses qu’une femme devait perdre la France et qu’une jeune fille la sauverait.