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Un certain nombre de voyageurs manquent à l’appel, d’autres rentrent les jours suivans. Le colombophile se borne à enregistrer les pertes et à constater les rentrées tardives sans chercher à pénétrer les motifs de la faute d’instinct : comment pourrait-on en effet demander son secret à l’oiseau qu’un coup d’aile dérobe à nos regards ? L’instinct est en défaut ; l’oiseau doit donc errer à l’aventure comptant sur le hasard seul pour retrouver son chemin.

Nous ne saurions partager une semblable opinion pour les raisons suivantes : l’oiseau égaré par défaut d’instinct n’est pas pour cela en révolte contre cette loi générale de conservation qui régit toutes ses actions. Il ressent au contraire très vivement l’appel de l’instinct qui l’incite à rechercher le colombier natal. Il entrevoit nettement le but, mais les moyens de l’atteindre lui font momentanément défaut. Il déploie alors toute l’activité spontanée dont il est capable et s’engage successivement sur plusieurs pistes. La loi du contre-pied va nous permettre de le suivre dans sa course vagabonde et de reconstituer son itinéraire. Quand nous aurons surpris le secret du pigeon perdu, nous constaterons une fois encore que le hasard n’est entré pour rien dans les déterminations de l’animal.

En 1896, nous assistons à Orléans à un lâcher de pigeons provenant des colombiers de Mons et de Charleroi. Les deux bandes de pigeons ayant été, par hasard, mises en liberté à la fois sur deux points différens de la gare des marchandises, se réunissent dans les airs et forment dès le départ un groupe unique. Le temps est extrêmement défavorable : la brume, la pluie et le vent contraire contribuent à retarder la rentrée des voyageurs ailés. Une première faute d’instinct, facile à expliquer, est constatée à l’arrivée : deux pigeons de Mons sont capturés à Charleroi, et trois pigeons de Charleroi sont recueillis à Mons. Enfin une quarantaine de pigeons ne sont pas rentrés au gîte le soir du lâcher. Le départ d’Orléans avait eu lieu cependant avec un ensemble parfait : les animaux orientés les premiers avaient montré la route à suivre à leurs compagnons, et même quelques-uns de ces derniers avaient suivi aveuglément leurs guides au point d’entrer à leur suite dans des colombiers étrangers.

Cependant, à Orléans, un observateur constatait, entre 3 heures de l’après-midi et 7 heures du soir, l’arrivée d’une trentaine de pigeons qui se posaient sur les toits de la gare. La nuit venue, nous