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fait remarquer le grand établissement de pisciculture qu’a créé le gouvernement. Des saumons magnifiques destinés à la reproduction remplissent les vastes bassins et le frai est distribué dans les affluens du Saguenay. À cette même place s’éleva jadis la première scierie à vapeur, le moulin de M. Price. Ces MM. Price en ont encore deux autres aux environs.

Mais je ne suis ni avec les omnipotens Price, ni avec les saumons, je ne vois toujours que la pauvre petite église perdue dans les sables et dominant le port, avec son Enfant Jésus Louis-quatorzien en habit de gala. L’air est rempli pour moi du son des cloches qui tintent le nom vénéré du Père de la Brosse. La vue d’un étang couvert de glaçons me ramène cependant à la réalité.

— Comment ! un étang gelé ! Au milieu de mai !

Et puis je pense avec satisfaction que je suis en Labrador, non pas géographiquement sans doute, mais si je m’en rapporte au diocèse. Tadoussac est la première paroisse du Labrador sous le 48e degré de latitude nord.

Je ne parlerai pas de mon voyage de retour sur le Saint-Laurent, le mauvais temps qui nous avait, Dieu merci, épargnés le jour ayant éclaté peu après notre sortie du Saguenay. J’eus en cette circonstance l’occasion d’éprouver que le mal de mer peut être aussi redoutable sur les grands fleuves d’Amérique que sur l’Océan lui-même. Nous mouillâmes pour la nuit dans la baie Saint-Paul.


TH. BENTZON.