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il a besoin ; il ne les aurait pas. On courrait au château menacé par l’incendie, on laisserait brûler les granges.

Nous n’ignorons pas que le rattachement de l’armée coloniale au département des colonies, la création, en un mot, d’un troisième ministère militaire, n’est pas sans soulever de vives objections. Ce serait, a-t-on dit, éparpiller des forces qui doivent concourir à un seul but, la défense nationale. Si cette armée a pour objet principal de fournir un corps d’armée de plus à l’armée de terre mobilisée, oui, il est plus rationnel de la donner au ministre de la Guerre. Si, au contraire, elle est créée pour un dessein nettement déterminé, la défense de nos possessions d’outre-mer, ce ne sera pas l’éparpillement, mais la concentration de nos forces, puisque l’instrument de la défense des colonies sera aux mains qui doivent s’en servir, et que le ministre des Colonies chargé de cette défense n’aura pas à aller implorer ailleurs des moyens d’action placés et centralisés dès le temps de paix sous son autorité.

Quelles modifications convient-il d’apporter à l’état de choses actuel pour opérer ce rattachement ?

Présentement, l’administration des Colonies, seule juge des moyens à employer pour assurer la défense des territoires confiés à sa garde, demande aux deux départemens de la Marine et de la Guerre la quantité de troupes qu’elle estime nécessaire. Ceux-ci les lui fournissent tout encadrées, habillées, équipées et armées. A dater du moment où elles mettent le pied sur les bâtimens qui doivent les transporter au lieu de leur destination, elle en a la charge. Elle les répartit conformément au plan de défense arrêté par elle, les administre, les paye, les nourrit, les loge, et les soigne en cas de maladie. Qu’aurait-elle à faire de plus, si ces troupes lui étaient rattachées directement ? Il lui faudrait les recruter, officiers et troupes, leur donner l’instruction militaire, les fournir d’effets d’habillement, d’équipement et d’armement, étendre son action administrative sur les fractions de l’armée coloniale séjournant dans la métropole, enfin régler toutes les questions intéressant le personnel : avancement, mutations et autres. Nous verrons que ce supplément d’attributions peut être donné au ministère des Colonies sans difficultés. Toutefois ce rattachement ne peut être opéré qu’aux conditions suivantes.

Les plus grandes précautions doivent être prises pour soustraire l’armée coloniale à la prépondérance de l’élément civil. Le