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engagemens volontaires, la plupart des engagés n’ayant pas à vingt ans la vigueur nécessaire pour affronter les climats fiévreux et débilitans de certaines de nos colonies et les fatigues du service qui leur sera demandé. La cruelle expérience de Madagascar montre le peu de fond qu’il faut faire sur de jeunes soldats. Le projet ministériel admet même les engagemens de jeunes gens âgés de moins de vingt ans, en cas d’insuffisance d’engagés volontaires ayant dépassé cet âge. Ce recrutement serait déplorable.

Indépendamment de la question d’humanité, l’intérêt de l’Etat devrait suffire pour faire proscrire ces engagemens. Aux termes de la loi du 30 juillet 1893, en effet, ces engagés volontaires reçoivent une prime en signant leur acte d’engagement. Beaucoup d’entre eux ne rendront que peu de services, certains même n’en rendront aucun, et l’État aura déboursé en pure perte des sommes assez importantes. En outre, ces jeunes gens arrivent au corps ne sachant rien ; leur instruction est entièrement à faire ; d’où un temps notable perdu avant de pouvoir les envoyer aux colonies. Or, l’homme payé pour servir doit être immédiatement utilisable. Seront donc seuls admis à entrer dans l’armée coloniale les hommes ayant accompli intégralement trois années de service dans l’armée métropolitaine, soit qu’ils viennent de quitter les drapeaux, soit qu’ils appartiennent à la réserve, sous la condition, dans ce dernier cas, de n’avoir pas dépassé l’âge de 32 ans et de présenter les garanties de moralité nécessaires.

On ne peut espérer, de toute évidence, décider d’anciens militaires à rengager au titre de l’armée coloniale qu’en leur assurant certains avantages qui les tentent. Voici ceux qu’offre aux caporaux, brigadiers et soldats le décret du 4 août 1894 : Pour des rengagemens de deux, trois et cinq ans, il leur donne une prime variant de 200 à 600 francs suivant la durée du rengagement ; plus une gratification annuelle qui varie de 100 à 160 francs, payable par trimestre ; et enfin des hautes paies dont le taux s’accroît avec l’ancienneté. Pour les sous-officiers, on fait plus encore : ils touchent en se rengageant une première mise d’entretien variant de 480 à 1200 francs, une gratification annuelle de 250 francs, et une prime de rengagement de 600 à 2 000 francs, laquelle leur est payée au moment où ils quittent les drapeaux. Ils perçoivent également des hautes paies. En outre, la loi de 1893 promet un certain nombre d’emplois civils et militaires aux caporaux, brigadiers et soldats ayant servi quinze ans dans les