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d’insuffisance du recrutement, tout militaire de l’armée de terre ayant accompli une année de service et n’ayant pas droit à la libération anticipée du service actif que confèrent les articles 21, 22, 23 et 39 de la loi du 30 juillet 1889, peut être autorisé, après avoir justifié par des examens qu’il possède une instruction militaire complète, à rentrer dans ses foyers, sous la condition de présenter un ancien militaire ayant accompli ses trois années de service actif, muni de son certificat de bonne conduite et disposé à contracter un engagement volontaire de trois ans, sans prime ni haute paye, dans les troupes coloniales de la Marine.

Il suffirait de numéroter les paragraphes qui précèdent pour avoir quelque chose qui ressemblerait à un projet de loi, lequel n’aurait, d’ailleurs, aucune chance d’être adopté. Quand viendra enfin la discussion, il est probable qu’on se ralliera, après de longs débats, à une solution qui n’en sera pas une. L’armée coloniale sera rattachée au Ministère de la Guerre, pour revenir plus tard à la Marine et retourner sans doute encore à la Guerre. Relevant de deux ministères, elle n’aura ni l’indépendance, ni l’autonomie, ni l’unité de direction qui lui sont indispensables. On continuera à la recruter en partie avec des engagés volontaires trop jeunes pour supporter les fatigues d’une campagne et même d’un simple séjour aux colonies. Son budget atteindra un chiffre formidable ; et qu’un nouveau Madagascar rende indispensable une nouvelle expédition, celle-ci sera préparée par d’autres que par ceux qui, devant la faire, ont intérêt à ce que cette préparation soit irréprochable. Le succès final n’en sera pas moins certain, seulement il aura été plus chèrement acheté. On sait de reste que la France n’est avare ni du sang de ses enfans ni de leur argent. Mais si l’on peut à la rigueur faire bon marché du second, il n’en est pas de même du premier, et toute dépense inutile de sang français est profondément regrettable.


COLONEL CH. CORBIN.