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scientifiques, d’observations, de généralisations, d’intérêts commerciaux ou politiques, ne sont évidemment pas nettement tranchées : elles se succèdent en s’entremêlant les unes aux autres. L’esprit retourne plus d’une fois sur ses pas, parce que l’attention est éveillée sur quelque point auprès duquel on avait passé sans y attacher une importance suffisante. Les phénomènes se relient aussi bien que les études qu’ils provoquent. L’industrie des pêches oblige à remarquer le rôle de la constitution des fonds et à observer la lithologie sous-marine parce que la raie habite les vases, la sole les sables, et le rouget les roches ; la zoologie tient à savoir comment sont distribuées dans les eaux la température et la salure ; l’industrie des télégraphes a besoin des cartes topographiques très précises des fonds où elle se propose de déposer ses câbles. Les découvertes se multiplient, et chaque science se développe à travers les générations d’hommes.

Dès qu’une science est à peu près complète, une autre la remplace ou plutôt deux ou trois se fondent ensemble parce que l’on s’aperçoit que des manifestations naturelles, crues d’un ordre différent, dépendent en réalité d’une même loi. L’évolution s’accomplit. La minéralogie n’est plus qu’un chapitre de la physique et de la chimie, la chimie devient de la physique, la physique devient mathématique, l’histoire naturelle se précise, la paléontologie se transforme en paléozoologie, chapitre de la zoologie, et en paléobotanique, chapitre de la botanique, la géologie stratigraphique est de la paléocéanographie et de la paléogéographie, la lumière est de l’électricité ; la vibration rythmée, mesurable et mesurée, l’onde sonore, lumineuse, calorifique, actinique, électrique règne sur l’univers ; les barrières tombent, la matière suit les lois de l’esprit, tout s’avance vers l’unité scientifique comme dans le domaine social tout marche vers l’unité de condition, celle qui assure à tous, de par leur commun droit de vie, le maximum de bonheur compatible avec la condition humaine. Il se fait une splendide unité morale et intellectuelle de vérité, de science, de force et de paix.

Si chaque peuple aspire à ce but final, il y arrive par des voies diverses. En attendant le jour où tous posséderont le même esprit parce qu’ils possèdent les mêmes besoins et le même idéal, ils ne l’ont pas encore. Nous le voyons dans n’importe quelle manifestation littéraire, artistique ou scientifique, nous le reconnaissons dans le mode de développement de l’océanographie. L’Anglais